Publié le 27 octobre 2022
ÉCONOMIE
Lithium : entre souveraineté et impact environnemental, une nouvelle mine en France loin de faire l’unanimité
Le groupe Imerys prévoit d’ouvrir une mine de lithium dans l’Allier, sur un site existant d’extraction de kaolin. Un projet qui doit permettre à la France de renforcer sa souveraineté sur l’approvisionnement de ce minerai crucial pour la transition énergétique. Mais l’acceptation des mines de lithium rencontre de fortes oppositions locales en France. Le groupe minier va devoir faire de gros efforts pour démontrer l’utilité du projet et donner de sérieuses garanties sur son impact environnemental.

@MatthieuColin Hemis
C’est une question de souveraineté énergétique. La mine de lithium que le groupe Imerys veut ouvrir dans l’Allier, sur le site de sa mine actuelle de kaolin à Beauvoir, a reçu le soutien de tout le gouvernement. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, se félicite d’un projet qui "réduira drastiquement nos besoins d’importation de lithium". Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, se réjouit d’un projet qui permettra "d’assurer notre indépendance énergétique et industrielle".
Le groupe minier français mène depuis plusieurs mois des études sur son site pour en évaluer le potentiel. Il a détecté un filon de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium, l’équivalent de la production de 700 000 batteries de véhicules électriques par an, qu’il compte commencer à exploiter à partir de l’année 2028. Pour Imerys, le projet est particulièrement attractif, car il lui permet de se positionner sur l’un des minerais cruciaux pour la transition énergétique. La demande pour le lithium devrait continuer à augmenter dans les prochaines années en raison de l’électrification de pans entiers de l’économie, comme l’automobile. Selon une étude de Novethic sur les minerais de transition, la production de lithium devrait être multipliée par 13 d’ici 2030, sans pour autant suffire à satisfaire la demande.
Une forte opposition locale
L’ouverture d’une mine dans l’Hexagone est cependant loin d’être gagnée. Des projets d’ouverture de mine ont déjà rencontré une forte opposition locale. Notamment en Bretagne, où un gisement important a été détecté à Tréguennec et où les habitants ont rapidement manifesté leur désapprobation. "La vraie question qui se pose, c’est de savoir si on arrivera à faire une mine socialement acceptable et écologiquement responsable. C’est la condition nécessaire à l’installation d’un tel projet, donc à la souveraineté du pays sur ces minerais", remarque Pierre-Alexis de Vauplane, associé chez Ring Capital, un fonds d’investissement à impact, et auteur de Demain, la souveraineté (éditions Hermann).
L’enjeu de l’acceptation sociale des projets miniers en Europe repose sur une meilleure compréhension des enjeux de l’importation des minerais. "C’est de la pollution importée, rappelle Pierre-Alexis de Vauplane. Il est de notre responsabilité de réintégrer cette chaîne de valeur de manière responsable et d’avoir ces mines sous les yeux."
Donner de véritables garanties environnementales
Le côté responsable de la future mine de Beauvoir est justement très largement mis en avant par Imerys. L’industriel assure que son projet sera conforme à la norme Irma (Initiative pour l’assurance d’une extraction minière responsable), qui oblige notamment à prendre en compte l’environnement et les droits humains. Imerys déclare ainsi vouloir recourir à des techniques d’exploitation souterraines pour réduire l’impact sur les sols et la biodiversité, ou encore de travailler sur la réduction des émissions de CO2 en utilisant des véhicules électriques, les voies ferrées, etc. Le minier assure au total être capable de réduire de moitié les émissions de la production de lithium par rapport aux autres projets dans le monde.
Selon Pierre-Alexis de Vauplane, l’ouverture de mines de lithium en France sera nécessaire pour assurer les besoins de la transition énergétique. "Mais il va falloir donner de véritables garanties pour qu’il n’y ait pas de suspicion de greenwashing et aller plus loin dans la transparence, ce qui n’est pas encore le cas. Il y a une telle défiance vis-à-vis des mines qu’il faudra des engagements précis", estime-t-il.
Pour Judith Pigneur, spécialiste des questions minières pour Les Amis de la Terre, la question de l’extraction minière en France doit être posée de manière plus globale. Dans une interview à Radio Classique, elle insistait sur le fait qu’il fallait avant tout faire "un bilan poussé et sérieux des besoins". Elle ajoute : "d’abord on doit se concentrer sur la sobriété, ensuite sur le recyclage et enfin sur une potentielle extraction du lithium". En clair, extraire du lithium pour produire des SUV à l’empreinte carbone très élevée n’est peut-être pas une bonne idée.
Arnaud Dumas, @ADumas5