Publié le 03 novembre 2022
ÉCONOMIE
L'UE entérine la fin des moteurs thermiques en 2035 : pourquoi cette décision "historique" ne suffit pas ?
Les voitures et véhicules utilitaires légers neufs à essence et diesel ainsi que les hybrides vivent leurs dernières heures sur le Vieux Continent. Les eurodéputés et les Etats membres ont trouvé, jeudi 27 octobre, un accord pour interdire leur vente à compter de 2035. Une décision historique et un premier pas vers la mobilité décarbonée. Mais de nombreuses questions restent en suspens. Explications.

JOHN MACDOUGALL / AFP
"Décision historique de l'UE pour le climat", a tweeté l'eurodéputé français Pascal Canfin (Renew Europe), président de la commission Environnement du Parlement européen, à l'issue de quelques heures de négociations. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'est réjouie d'une "étape clé" pour les ambitions climatiques de l'UE, qui va "stimuler l'innovation et notre leadership industriel et technologique".
Le texte approuvé, qui se base sur une proposition de l'exécutif européen en juillet 2021, prévoit de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures neuves en Europe à partir de 2035. L'automobile, premier mode de déplacement des Européens, représente un peu moins de 15% des émissions de CO2. Ainsi, les ventes de voitures et véhicules utilitaires légers neufs à essence et diesel dans l'UE seront interdits à partir de 2035 au profit de véhicules 100% électriques.
L'industrie automobile européenne s'est dite "prête à relever le défi" après cette "décision sans précédent", tout en réclamant de l'UE la mise en place des "conditions" nécessaires pour remplir cet objectif, notamment la mise en place d'un réseau suffisant de bornes de recharge pour véhicules électriques.
Le passage au tout électrique n’est pas la solution
Toutefois, le passage du thermique au tout électrique n’est pas la solution. Ce ne serait tout simplement pas soutenable d’un point de vue environnemental. La taille du parc automobile et le poids des véhicules constituent dès lors des points essentiels à discuter. Car si une voiture électrique émet trois à cinq fois moins de gaz à effet de serre qu’un véhicule thermique sur l’ensemble du cycle de vie, sa fabrication pose de nombreux enjeux. L’extraction de minerais et de métaux rares notamment est très néfaste pour l’environnement et pose la question de la finitude des ressources. La relocalisation de la production de batteries et leur recyclage sont aussi des défis majeurs.
Le coût des véhicules électriques constitue un autre obstacle, pointé notamment par Carlos Tavares, directeur général du groupe Stellantis. "Je ne vois pas aujourd'hui la classe moyenne capable d'acheter des voitures électriques à 30 000 euros", a-t-il déclaré. "Le problème est qu’il n’y a pas suffisamment de voitures électriques à des prix abordables en Europe", abonde Marie Chéron, responsable des politiques véhicules pour l’ONG Transport et Environnement. "Il faut que les pouvoirs publics imposent aux constructeurs de concevoir des modèles sobres et accessibles", ajoute la spécialiste.
"Réinterroger la place de l’automobile dans nos déplacements"
D’autres leviers que le passage au tout électrique peuvent être activés. On pense bien sûr aux modes de déplacements alternatifs que sont les transports en commun, le train, le vélo ou même la marche. Le remplissage des voitures grâce au covoiturage doit aussi être favorisé. "La voiture ne doit plus être vue comme un objet privé mais plutôt comme un service" précise le Rac (Réseau Action Climat) qui propose la mise en place de flottes de véhicules publics. Il s’agit enfin de réduire nos déplacements en retrouvant davantage de proximité au quotidien et en réduisant les plus longs trajets. La priorité doit donc rester de "réinterroger la place de l’automobile dans nos déplacements", souligne l'Ademe.
Cette réglementation, emblématique, est le premier accord sur un texte du paquet climat européen ("Fit for 55") destiné à réduire d'au moins 55% d'ici 2030 par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre de l'UE. Mais il ne constitue que la première pierre vers une mobilité véritablement décarbonée.
La rédaction avec AFP