Publié le 21 juillet 2022
ÉCONOMIE
Rendez-vous raté avec le vélo : la France aurait pu le généraliser dès 1973, comme aux Pays-Bas
Comme après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les gouvernements sont aujourd'hui tenus de faire des choix économiques et sociaux déterminants en raison de la crise énergétique. À l’époque, les Pays-Bas et la France prennent le virage du vélo. Si la passion est passagère dans l’Hexagone, la pratique s’inscrit dans la durée chez nos voisins néerlandais. Toute la semaine, Novethic revient sur des rendez-vous historiques ratés qui auraient pu être déterminants pour nos modes de vie.

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La flambée des prix des matières premières ravive les souvenirs des chocs pétroliers de 1973 et 1979. À l’époque, l’étincelle vient de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole qui augmente de 70 % le prix du baril de brut, après avoir pris part à la guerre du Kippour en Israël. Des mécanismes comparables à ceux d’aujourd’hui se mettent en place : un choc géopolitique majeur impliquant des pays exportateurs d’énergies fossiles qui provoque une flambée des prix de l’énergie puis une inflation généralisée qui déstabilise toute l’économie.
Il y a 50 ans déjà, comme aujourd'hui, les autorités avaient multiplié les appels à réduire la consommation d’énergie pour atténuer les chocs. "Je fais appel à l'esprit d'économie du peuple français. Economisons l'essence, l'électricité, le chauffage", avait notamment déclaré le président Georges Pompidou en décembre 1973. Puis des changements d’habitudes avaient été imposés.
La fureur pour la petite reine ne dure pas en France
Le plan Messmer avait en effet multiplié les interdictions : le chauffage est plafonné à 20°C, la publicité lumineuse est interdite dans l’espace public tout comme l'éclairage des vitrines. Les bureaux inoccupés entre 22 heures et 7 heures du matin sont appelés à éteindre la lumière. Les programmes TV s'arrêtent à 23 heures (sauf les week-ends et jours fériés) et le changement d’heure est instauré en 1976 pour faciliter les économies d’énergie.
Par ailleurs, l’État impose les premières limitations de vitesse : 130 km/h sur les autoroutes, 120 km/h sur les voies express et 90 km/h sur les routes. Les courses automobiles sont aussi interdites. La flambée des prix de l’essence déclenche aussi une passion nationale pour le vélo. À l’époque on scande que "les mollets remplacent le carburant" ! La fureur pour la petite reine est telle que les ventes de voitures chutent au profit du vélo. Mais l’enthousiasme pour le vélo est de courte durée en France.
À l’inverse, les Pays-Bas prennent des mesures plus radicales pour faire changer les habitudes au profit de la bicyclette. Ainsi, les dimanches sans voitures, sous peine d’amende, sont créés et les premières "zones 30" apparaissent. Cette évolution est portée aussi pas des habitants, comme ce 4 juin 1977 où une journée mondiale du vélo rassemble 9 000 cyclistes qui défilent dans Amsterdam pour demander que les voitures restent garées en périphérie. Par ailleurs, le pays investit massivement dans des infrastructures cyclistes. Les bicyclettes s'imposent alors face aux voitures.
43% des Néerlandais à vélo quotidiennement contre 5% en France
Des plans nationaux viennent ensuite renforcer ce qui devient un véritable atout pour le pays. En 1995, un système de taxes permet ainsi de rembourser les déplacements professionnels réalisés à vélo. Puis le pays poursuit les aménagements en faveur de la petite reine. En 2009, l’État investit 25 millions d’euros pour la construction d’un réseau de pistes cyclables rapides permettant de rejoindre les principales villes : Delft-Rotterdam, Utrecht-Breukelen, Almelo-Enschede. Certaines voies passent par des ronds-points aériens réservés aux vélos et totalement séparés du trafic routier.
La géographie du pays, avec peu de reliefs, son urbanisation ancienne et ses villes de taille moyenne avec des distances réduites entre le travail et le domicile sont autant d’atouts pour le développement du vélo. Mais surtout, les politiques volontaristes poussées par les demandes citoyennes ont permis au pays d’installer la pratique du vélo. Ces choix ont été décisifs puisqu’aujourd’hui 43 % des Néerlandais font du vélo quotidiennement contre… seulement près de 5 % en France. Nous sommes de nouveau à un carrefour décisif. Reste à espérer que les dirigeants ne manqueront pas leur rendez-vous avec l’histoire.
Mathilde Golla @Mathgolla