Publié le 19 janvier 2023
ÉCONOMIE
Amazon, Microsoft... La lourde chute des géants de la tech
[2023, année de la crise] Coup sur coup, Amazon et Microsoft ont annoncé des plans de licenciements de plusieurs milliers de personnes en ce début de mois de janvier. Le géant de l’e-commerce créé par Jeff Bezos, l’un des hommes les plus riches du monde, a décidé de se séparer de plus de 18 000 personnes et de tailler dans certaines de ses activités pas assez rentables. Pour Microsoft, ce sera 10 000 personnes en moins d’ici mars. Alors que tout ou presque leur souriait il y a un an, les Gafam voient leur modèle bousculé par la poussée de l’inflation et par le risque de récession pour l’année 2023.

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"Les entreprises qui durent longtemps traversent différentes phases. Elles n'augmentent pas leur recrutement de manière importante tous les ans", déclare Andy Jassy, le directeur général d’Amazon dans un billet de blog. Il a remplacé Jeff Bezos à la tête de l’entreprise il y a un peu plus d’un an et doit déjà annoncer les mauvaises nouvelles aux salariés du groupe. En novembre dernier, il avait déjà prévenu que près de 10 000 personnes seraient licenciées, en précisant que la revue annuelle des activités n’était pas terminée. En janvier, 8000 personnes supplémentaires ont été ajoutées au plan. De son côté, Satya Nadella, directeur général de Microsoft, a annoncé le licenciement de 5% des effectifs, soit 10 000 personnes d’ici la fin mars.
L’année 2023 s’annonce particulièrement difficile pour l’économie mondiale. La Banque Mondiale a abaissé ses prévisions de croissance mondiale de 3% à 1,7%, soit le plus faible niveau depuis près de 30 ans. Tandis que Kristalina Georgieva, la dirigeante du Fonds monétaire international (FMI), a prévenu qu’un tiers des pays du globe pourraient connaître la récession cette année. Amazon, dont le modèle économique est basé sur l’accélération de la consommation de biens et services, semble déjà affectée par le ralentissement de l’économie.
La valorisation boursière en chute libre
Le géant américain avait pourtant multiplié les succès ces dernières années. Il a longtemps enregistré des progressions de chiffre d’affaires à deux chiffres, jusqu’à friser les 470 milliards de chiffre d’affaires en 2021 et ses bénéfices suivaient le même chemin. De quoi ravir les actionnaires de l’entreprise, dont la capitalisation boursière a dépassé les 1800 milliards de dollars à son apogée, en juillet 2021. Amazon avait au contraire particulièrement bénéficié des périodes de confinement, pendant la crise du Covid-19. À l’instar de Meta, la maison-mère de Facebook, Amazon comptait sur le fait que les habitudes d’achats en ligne prises pendant les confinements perdureraient ensuite. L’entreprise avait intensifié sa politique de recrutement, passant de presque 800 000 employés fin 2019 à 1,6 million fin 2021.
Mais depuis quelques mois, la situation semble s’être retournée. Le spécialiste du e-commerce a vu son bénéfice divisé par deux au troisième trimestre 2022 et sa capitalisation boursière a fondu de près de 1000 milliards de dollars entre l’été 2021 et le début de l’année 2023 ! L’activité Amazon Web Services (AWS) sur le cloud, véritable vache-à-lait du groupe, voit toujours ses revenus progresser… mais moins vite. Les entreprises clientes d’AWS doivent elles-aussi surveiller leurs coûts et réduire leurs dépenses auprès d’Amazon. Même chose du côté du e-commerce. La montée de l’inflation de ces derniers mois a particulièrement impacté le modèle d’affaires de la plateforme, les clients ayant réduit leurs achats du fait de la hausse des prix.
L’histoire est la même chez Microsoft. "Alors qu’on voyait nos clients accélérer leurs dépenses digitales pendant la pandémie, nous les voyons maintenant optimiser leurs dépenses digitales pour faire plus avec moins, explique Satya Nadella dans un billet de blog annonçant les licenciements. Nous voyons aussi des organisations dans tous les secteurs et géographies être prudentes alors que certaines régions du monde sont entrées en récession et d’autres l’anticipent."
Une "structure de coûts plus robuste"
Pour sauver les meubles Amazon a tenté début 2022 d’augmenter ses prix. La société basée à Seattle a décidé d’imposer une surtaxe de 5% à tous les revendeurs présents sur sa plateforme de e-commerce pour compenser la hausse du carburant de son activité logistique, ou encore les coûts liés à ses embauches. Amazon, connu pour ses mauvaises pratiques sociales, avait consenti à une augmentation du salaire horaire dans ses entrepôts américains de 15 à 18 dollars pour se rendre plus attractive.
Cela n’a pas suffit. Un an plus tard, l’entreprise doit réduire ses coûts, en taillant dans ses activités de commerce ou encore dans celles liées à son enceinte connectée Alexa. Et la tendance semble partie pour durer. "Ces changements nous aideront à poursuivre nos opportunités de long terme avec une structure de coûts plus robuste, assure Andy Jassy. Je suis cependant également optimiste sur le fait que nous serons inventifs, ingénieux et déterminés en ces moments où nous n’embauchons pas massivement et réduisons certaines fonctions".
Arnaud Dumas, @ADumas5