Publié le 16 février 2023

ÉCONOMIE

La barre symbolique des 1000 entreprises à mission vient d’être franchie

Les entreprises à mission se multiplient. Elles viennent de franchir le seuil des 1000 sociétés qui répondent à des défis sociaux et environnementaux sans rogner sur leur rentabilité. Une étape symbolique qui dévoile un attrait de plus en plus fort, surtout des petites et moyennes entreprises. Reste à consolider le statut d'entreprise à mission pour qu'en se démocratisant il ne devienne pas un énième outil de social ou greenwashing. 

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Les entreprises à mission sont de plus en plus nombreuses.
Istock

Elles n’étaient qu’une poignée en 2020, elles sont désormais 1 000. Les entreprises à mission viennent en effet de franchir une étape pour le moins symbolique. "On sent que ça frémit au sein du monde économique", se réjouit Anne Mollet, directrice générale de la communauté des entreprises à mission, qui vient d’être tout juste remplacée, le 13 février, par Alain Schnapper à la tête de la communauté. "Ces entreprises se rendent bien compte qu’il y a un lien indissociable entre la performance financière et l’engagement social, environnemental…", avance-t-elle.

Depuis trois ans, date de la publication du décret d’application de la loi Pacte, les entreprises à mission se multiplient. Cette qualité leur permet d’inscrire dans les statuts de la société des engagements environnementaux et sociaux et d’en être responsable devant leurs parties prenantes. Cela se traduit par des objectifs et une raison d’être. 

Sortir de l'incantatoire

Chaque semaine, de nouvelles entreprises franchissent le pas. Le 30 janvier, c’est la licorne française Doctolib qui a rejoint le club avec comme raison d’être "œuvrer pour un monde en meilleure santé". Plus tôt, c’était le club de rugby de Niort qui montrait la voie. C’est le premier club français à rejoindre cette communauté. "Cela nous intéresse de pouvoir voir comment le cadre qui a été pensé plutôt pour des entreprises peut s’appliquer à des associations", expliquait en mars dernier Emery Jacquillat, président de la Communauté des entreprises à mission. 

Dans quelques semaines, l’observatoire révélera le profil de ces 1 000 entreprises à mission, mais déjà des tendances se dégagent. Des secteurs sont particulièrement représentés comme la finance (banque et assurance) et la tech. Si les grandes entreprises s’emparent peu à peu de ce statut à l’instar de la Banque postale, EDF, Decathlon ou encore KMPG, ce sont les petites et les moyennes entreprises qui tirent la dynamique. "Ce qu’on voit également, c’est que 40% des sociétés à mission naissent à mission. C’est-à-dire qu’elles ont été créées en intégrant ce statut", explique Anne Mollet. "Ce statut confère une opposabilité juridique, c’est important qu’on ne l’oublie pas", ajoute-t-elle.

Ce cap et les objectifs qu’il nécessite de définir pour y parvenir permettent ainsi aux entreprises de mieux réussir leur transition. "L’entreprise à mission, on la choisit pour deux raisons : on aime dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit, sortir de l’incantatoire, et surtout, donner une force au projet en impliquant tous les collaborateurs", explique à Novethic Tristan de Witte, président fondateur de Rivalen, présenté comme un collectif d’industries françaises. "C’est une machine à anti-greenwashing", ajoute Anne Mollet.

"Le statut aujourd’hui n’est pas assez contraignant"

Reste que le statut d’entreprise à mission n'empêche pas les controverses. Danone est un des cas les plus emblématiques. Le groupe agroalimentaire a été la première entreprise à mission du CAC40. Cela n’a pourtant pas empêché les actionnaires d’évincer le PDG Emmanuel Faber en raison d’une rentabilité qu’ils jugeaient insuffisante. Message brouillé aussi du côté d’Yves Rocher, une des premières sociétés à avoir intégré le club des entreprises à mission. Le groupe est resté en Russie malgré le départ de plusieurs entreprises comme EDF, Renault, ou McDonald’s en raison de la guerre en Ukraine. Yves Rocher est également attaqué en justice sur son devoir de vigilance. 

Par ailleurs, dès le lancement des entreprises à mission, plusieurs spécialistes ont craint un risque de "missionwashing". Soit le fait pour une entreprise de se servir de sa mission de manière commerciale sans vraiment y répondre. "C’est une réalité, pour certaines, c’est vraiment un enjeu marketing", admet Tristan de Witte. "Le statut aujourd’hui n’est pas assez contraignant". 

Pour éviter ces dérives, le décret d’application prévoit qu’un organisme tiers indépendant soit chargé de veiller au respect des objectifs de l’entreprise à mission. Si l’organisme juge que les objectifs ne sont pas atteints, il peut demander le retrait de la qualité de société à mission et saisir le tribunal de commerce. "On ne veut pas que l’entreprise à mission devienne un effet de mode. Il faut qu’il y ait un vrai niveau d’exigence, un gage de crédibilité de la démarche. On préfère 1 000 entreprises à mission plutôt que 100 000 au détriment de la qualité", résume Anne Mollet.

Marina Fabre Soundron @fabre_marina


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