Coincés par l'inflation, les Européens et États-uniens achètent moins de vêtements. Et ces économies se répercutent sur les pays producteurs. Ces derniers doivent encaisser la perte de clients, en plus de subir, eux-aussi, les effets de l'inflation. L'un des plus gros fabricants de chaussures du Vietnam, qui produit notamment pour Nike et Adidas, va licencier 6 000 ouvriers en raison de commandes en berne, ont indiqué les autorités locales. 

L'annonce "doit être faite aux travailleurs concernés le 25 février", selon un document de la direction travail de la ville d'Hô Chi Minh-Ville que l'AFP s'est procuré. Quelque 3 000 employés du fabricant Pouyuen Vietnam, détenu par le Taïwanais Pou Chen, vont perdre leur travail à la fin du mois de février, et 3 000 autres ne verront pas leur contrat renouvelé. Les ouvriers continueront à être payés jusqu'à ce qu'ils reçoivent des allocations chômage, selon les autorités.

Lourdes conséquences pour le Vietnam

Les conséquences de la déconsommation occidentale sont lourdes pour le Vietnam, dont l'économie repose sur la production d'habits, de chaussures et de meubles. Pouyuen est le principal employeur d'Hô Chiinh-Ville, la capitale économique du Sud du pays. Les licenciements interviennent après une année 2022 déjà difficile. 20 000 employés, soit près de la moitié des effectifs de Pouyuen, ont subi des congés forcés par rotation pour se partager le peu de travail. Dans l'ensemble du Vietnam, 630 000 personnes ont perdu leur emploi, ou vu leurs heures de travail réduites, selon le ministère vietnamien du Travail.

La déconsommation s'accélère. Au dernier trimestre 2022, les commandes en provenance des États-Unis ont chuté de l'ordre de 30 à 40%, et de 60% pour l'Europe, par rapport à l'année précédente, selon la Confédération vietnamienne du travail. Les autorités évoquent "un carnet de commandes très faible en 2023".

L'industrie de l'habillement, moteur économique en Asie

L'industrie du textile et de l'habillement emploie environ 60 millions de personnes en Asie, dont 22 millions en Chine. "L'industrie textile a changé la société en Asie, elle a réduit la pauvreté et augmenté le taux d'emploi des femmes", témoigne auprès de Novethic Faruque Hassan, président du Bangladesh Garment Manufacturers & Exporters Association (BGMEA). Le Bangladesh, troisième pays fournisseur de textile-habillement pour les États-Unis après le Vietnam, subit également le recul de la consommation.

"L'inflation augmente dans tous les pays du monde et le budget de l'habillement se réduit. La pandémie du Covid-19 nous a déjà fragilisés, avec de nombreuses annulations de commandes. La situation n'est pas bonne", explique Faruque Hassan. L'ONG Transform Trade a notamment dénoncé des comportements "inéquitables" de la part de certaines marques qui ont annulé leurs commandes, demandé des réductions ou refusé de payer, même après les confinements.

L'étau se resserre pour les pays producteurs, qui cherchent à tout prix à rester compétitif. Le Bengladesh affirme pouvoir compter sur des investissements massifs dans des machines plus performantes, sécurisées et écologiques, dix ans après le drame du Rana Plaza. La situation au Pakistan, dévasté par les inondations en 2022, est plus difficile. Sa production intérieure de coton a été détruite par les eaux et le pays est plongé dans une grave crise économique à cause d'une pénurie de dollars, monnaie nécessaire pour importer les matériaux manquants. Pourtant, le secteur textile-habillement est une priorité pour la reprise. Il représente 60% des exportations pakistanaises et emploie près de 35 millions de personnes.

Fanny Breuneval avec AFP