C’est une des voies commerciales les plus empruntées au monde. Le Canal de Panama, qui achemine 6 % du commerce maritime mondial, permet la traversée de marchandises entre Atlantique et Pacifique. C’est dire sa préciosité pour l’économie mondiale. Mais la sécheresse menace son bon fonctionnement. Car contrairement au Canal de Suez, le Canal de Panama fonctionne avec de l’eau douce. Or avec le changement climatique combiné au phénomène El Niño, le niveau de pluviométrie s’amenuise au Panama.

Le tirant d’eau des bateaux, c’est-à-dire la profondeur d’eau nécessaire à la flottaison des navires, a ainsi été limité à 43 pieds (13,11 mètres), soit deux fois moins que ce qui était jusqu'alors autorisé sur cette voie d'eau inaugurée par les États-Unis en 1914, et propriété du Panama depuis le 31 décembre 1999. D'une moyenne de 40 navires empruntant chaque jour le canal en 2022, 32 passeront désormais afin d'économiser l'eau dans les écluses qui soulèvent les navires à 26 mètres au-dessus du niveau de la mer pour traverser l'isthme, avant de les faire redescendre de l'autre côté en déversant 200 millions de litres dans l'océan.

"Si nous ne nous adaptons pas, nous allons mourir"

Cette réduction du tirant d'eau, qui entraînera une baisse des recettes de 200 millions de dollars en 2024, impose à certains navires marchands de décharger des centaines de conteneurs dans le port de Balboa, côté Pacifique, et les recharger à Colon, côté Caraïbes, après un transport par voie ferrée.

"Nous devons trouver des solutions pour pouvoir continuer à être une route pertinente pour le commerce international. Si nous ne nous adaptons pas, nous allons mourir", a déclaré lors d’une conférence de presse l'administrateur du canal, Ricaurte Vasquez. Il craint que les armateurs "puissent opter pour d'autres itinéraires" via le détroit de Magellan, en Patagonie, ou éventuellement l'Arctique pendant les mois d'été.

Le Canal de Panama n’est pas le seul axe essentiel à être soumis au changement climatique. Le Rhin souffre régulièrement de la sécheresse. Les voies navigables de France ont fait les comptes pour 2022. Le fleuve a souffert d’un tel manque d’eau que les bateaux n’ont pas pu passer durant les mois d’été. Résultat : 14 millions de tonnes de marchandises ont été transportées sur le Rhin, soit 3 millions de moins qu’en 2021.

Réaliser des stress tests

"Ces cas sont révélateurs d’une vulnérabilité qui s’accroît et qui devrait alerter les entreprises dépendantes de chaînes logistiques complexes", alerte auprès de Novethic Thibault Laconde, fondateur de Callendar et spécialiste des risques climatiques. "L’impact du changement climatique sur les supply chain est un vrai sujet, il faudrait avoir une logique de stress test sur tout le système logistique, des axes de transports vitaux aux grands sites de production".

D’autant que ces impacts ont des effets domino importants. Le Rhin par exemple, est le principal axe pour le transport du charbon en Allemagne. "Quand le Rhin est trop bas, les bateaux ne peuvent plus passer, les centrales de production d’électricité fonctionnant au charbon ne sont donc plus approvisionnées et cela met en tension le système électrique allemand", décrypte Sandrine Ferrand, experte chez Novethic et spécialiste des marchés énergie.

D’où la nécessité d’anticiper et d’adapter les infrastructures. "Dans notre monde interconnecté, nous ne pourrons pas nous contenter de nous prémunir contre les conséquences du réchauffement climatique qui se situeront directement à nos portes", a commenté sur Linkedin l’ingénieur et fondateur de Carbone 4, Jean-Marc Jancovici. "Des récoltes moins abondantes, une production électrique en baisse, une sécheresse empêchant d’opérer une mine ou un trafic maritime « à l’autre bout du monde » pourront aussi avoir un impact significatif chez nous".