370 milliards d’euros par an. C’est le coût gigantesque de la dégradation des écosystèmes naturels pour les grandes industries mondiales, selon une récente étude menée par le réseau d’investisseurs et d’acteurs de la société civile Ceres (Coalition for Environmentally Responsible Economies). L’organisation estime que si rien n’est mis en place pour réduire les pressions sur la nature et restaurer les écosystèmes dégradés, les grandes industries mondiales risquent de subir de nombreuses pertes économiques, liées à la multiplication des catastrophes naturelles, à la raréfaction des ressources et à la dégradation des services écosystémiques.
“Agir maintenant pour protéger et restaurer les écosystèmes est bien moins coûteux que de s’adapter plus tard”, alertent ainsi les auteurs, qui rappellent que “pour les entreprises et les investisseurs, retarder l’action ne fait qu’aggraver les risques opérationnels, financiers et juridiques”.
L’agriculture, le retail et les industries alimentaires en première ligne
C’est logiquement l’agriculture et notamment la production alimentaire qui est l’industrie la plus vulnérable face à la dégradation des écosystèmes, avec des pertes estimées à 215 milliards d’euros par an. L’agriculture est en effet particulièrement exposée à la perte de services écosystémiques, comme le renouvellement de la biomasse, la vie organique des sols, la régulation des pluies ou encore la pollinisation. Le rapport estime ainsi qu’à elle seule, la diminution de la pollinisation contribue à des pertes de 22 milliards d’euros par an pour le secteur. Les inondations, les pluies violentes ou les sécheresses coûteraient quant à elles déjà 31 milliards d’euros par an à l’agriculture mondiale. En 2022, la chaîne américaine de restaurants Darden Restaurants (190 000 salariés) aurait ainsi perdu près de 4 millions d’euros à cause d’une hausse brutale des prix des laitues, liées à une crise écosystémique dans sa chaîne d’approvisionnement.
Mais le secteur agricole n’est pas le seul à subir les effets de la dégradation des écosystèmes. La distribution et le retail, par exemple, font aussi face aux conséquences de la perte de services écosystémiques, pour des pertes financières équivalentes à 60 milliards d’euros par an. Les auteurs notent par exemple que 16% des centres de distribution du géant du secteur Wallmart sont vulnérables face aux inondations, qui sont aujourd’hui plus fréquentes à cause de l’artificialisation des sols et de la destruction des barrières naturelles, mais aussi de la crise climatique
L’ensemble de l’économie menacée
C’est en fait l’ensemble de l’économie qui est menacée d’une manière ou d’une autre par l’érosion de la biodiversité et la dégradation de la nature. Le rapport note ainsi des risques pour l’industrie des biens de consommation, menacée par la hausse des prix des matières premières (bois, huile de palme, ingrédients pour la cosmétique…), pour le transport, affecté par les catastrophes naturelles (inondations, érosion des sols, glissements de terrain), mais aussi pour l’industrie chimique (très dépendante des molécules issues de la nature)… “La dégradation de la nature pourrait engendrer des risques systémiques si les systèmes écologiques ou financiers franchissent un point de bascule” alertent ainsi les auteurs.
Le Ceres estime par ailleurs que “la plupart des entreprises n’en sont encore qu’aux premiers stades de leur parcours d’intégrer la nature” dans leurs réflexions stratégiques. Les acteurs économiques peinent encore à bien identifier leurs risques en lien avec la dégradation de la nature, ainsi que leurs impacts, et n’anticipent donc pas bien les possibles conséquences pour leurs modèles d’affaires, créant un risque majeur pour l’économie mondiale.
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