C’est un adepte du télétravail. Mais à ses propres conditions… Brian Niccol, le nouveau PDG nommé à la tête de Starbucks au milieu du mois d’août, va bénéficier d’un véritable régime de faveur de la part de son nouvel employeur qui se plie en quatre pour faciliter son intégration dans l’entreprise. Embauché alors que l’entreprise connaît une situation difficile, avec des ventes en recul depuis plusieurs mois et des investisseurs qui pressent le conseil d’administration de revoir sa copie, Brian Niccol a choisi de ne pas déménager pour rejoindre le siège à Seattle (Washington). Il dirigera l’entreprise aux 400 000 salariés depuis chez lui, à Newport Beach en Californie, à près de 1600 kilomètres du siège.
Le travail à distance n’est pas chose nouvelle pour les dirigeants de grandes entreprises. “Cela devient de plus en plus courant parce que nous nous trouvons toujours dans un marché du travail très concurrentiel, explique Raj Choudhury, professeur à la Harvard business school, cité par le média américain CNBC. Les dirigeants n’acceptent pas d’offre d’emploi si la flexibilité n’est pas possible.” CNBC cite notamment la nouvelle directrice générale de Victoria’s Secret, qui prend aussi ses fonctions le 9 septembre, en travaillant depuis New York, sans déménager à Columbus dans l’Ohio où se trouve le siège de l’entreprise.
Un trajet domicile-travail en jet privé
Mais ce qui a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, ce sont les conditions dans lesquelles Brian Niccol pourra rejoindre son bureau de Seattle. La lettre d’engagement de Brian Niccol, publiée sur le site de l’autorité américaine de régulation des marchés, prévoit un paragraphe spécial sur l’utilisation de l’avion de l’entreprise. Le nouveau PDG sera ainsi autorisé à effectuer les trajets entre son domicile californien et Seattle… en jet privé. De quoi porter sérieusement atteinte aux objectifs climatiques que s’est fixés l’entreprise, qui ambitionne de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
L’entreprise va par ailleurs installer un petit bureau à Newport Beach pour son futur PDG, qui aura le droit d’embaucher un assistant ou une assistante sur place. Brian Niccol devra néanmoins se plier à la politique sur le travail à distance de l’entreprise, qui prévoit que tous les salariés doivent se rendre au moins trois jours par semaine sur leur lieu de travail.
Une rémunération près de 8000 fois supérieure au salaire médian
En plus de ses conditions de travail, Brian Niccol a également âprement négocié son salaire. Entre son fixe, ses bonus et l’octroi d’actions de l’entreprise, il pourrait ainsi percevoir jusqu’à 100 millions de dollars de rémunération, soit quatre fois plus que celle de son prédécesseur, le britannique Laxman Narasimhan recruté moins de deux ans plus tôt.
Starbucks’ new CEO Brian Niccol will reportedly land a pay package of $113 million — over 7,950x the pay of the median Starbucks employee.
Last year, Niccol raked in over $22.4 million as CEO of Chipotle — over 1,350x the pay of a Chipotle employee.
How come we never talk about…
— Robert Reich (@RBReich) August 20, 2024
Sur Twitter, Robert Reich, professeur à l’université de Berkeley et ancien ministre du Travail de l’administration de Bill Clinton, s’inquiète de ces excès qui contribuent à fragmenter la société américaine. Tous les ans, l’ancien politicien démocrate, contribue au rapport de l’ONG As You Sow sur les dirigeants surpayés, pointant les dérives des entreprises américaines cotées. Pour Starbucks, il pointe ainsi le ratio d’équité de la rémunération de Brian Niccol, qui sera payé 7950 fois plus que le salaire médian chez Starbucks – un record ! Alors que les citoyens américains se débattent avec un coût de la vie toujours plus élevé, il se demande : “pourquoi ne parlons-nous jamais des rémunérations des dirigeants quand nous parlons de l’augmentation des prix ?“.
Les investisseurs, de leur côté, semblent accorder leur confiance au nouveau PDG, le cours de l’action de la chaîne de restauration ayant augmenté de 25% après l’annonce de son arrivée. Ils espèrent qu’il réussira la performance effectuée dans son ancienne entreprise, la chaîne de restauration rapide Chipotle. Il y était arrivé en 2018 alors qu’elle était empêtrée dans un scandale alimentaire, et a réussi à redresser les ventes, assainir les pratiques, et fait bondir le prix de l’action de 5 dollars en 2018 à plus de 60 dollars cet été.