“Vous abandonnez le plastique, ou nous abandonnons Dove!” . Le 1er mai, l’assemblée générale d’Unilever s’est déroulée dans un climat pour le moins tendu. Des militants de Greenpeace UK ont interpellé les actionnaires et lancer 140 000 confettis symbolisant le nombre de personnes signataires de la lettre ouverte de l’ONG appelant Dove (marque du groupe) et Unilever à abandonner leur plastique à usage unique.
Or ce n’est pas vraiment la voie prise par cette multinationale qui regroupe 400 marques dont Amora, Ben&Jerry, Signal ou encore Skip. Le 19 avril, dans une interview à Bloomberg, le directeur général Hein Schumacher a en effet indiqué revoir à la baisse les engagements environnementaux du groupe. L’objectif n’est plus de réduire de moitié son utilisation du plastique vierge d’ici 2025 mais de 30% d’ici 2026.
Défendant une stratégie “réaliste“, Hein Schumacher a expliqué : “Lorsque les objectifs initiaux ont été fixés, nous avons peut-être sous-estimé l’ampleur et la complexité de ce qu’il faudrait pour y parvenir. Nous sommes désormais dans une meilleure position pour vous donner un objectif réalisable en matière de plastique. Cela ne veut pas dire que nous réduisons nos investissements en la matière.”
Unilever, pionnier de la durabilité
“Il se peut qu’ils abandonnent des objectifs qu’ils n’ont pas pu atteindre. Mais c’est dommage, car Unilever a été un leader dans le domaine des plastiques, et c’est un risque commercial et de réputation”, a réagi auprès de Bloomberg, Common Asset Management, actionnaire du groupe. Car Unilever n’est pas n’importe quelle entreprise. Elle a été l’un des pionniers de la durabilité dans le monde.
A l’origine, c’est Paul Polman, l’emblématique PDG du groupe pendant près de 10 ans, qui a porté ce changement. Considéré comme “l’une des voix les plus écoutées sur la responsabilité sociale des entreprises”, adepte d’un “nouveau contrat social”, il défendait le “long terme”. Un chemin que les investisseurs commençaient à trouver peu rentable. En 2018, il est remplacé par l’écossais Alan Jope lui-même débarqué sur l’autel de la rentabilité. C’est finalement Hein Schumacher, qui prend la tête du groupe en février 2023.
La performance à tout prix
“Au cours d’une conversation de 44 minutes avec Bloomberg cette semaine, Schumacher a utilisé le mot ‘performance’ 15 fois, presque toutes les trois minutes”, note le média. Une indication loin d’être anecdotique. En octobre dernier, le nouveau patron affirmait par ailleurs au Financial Times que l’objectif social des entreprises pouvait être une “distraction indésirable” pour certaines marques.
Le cap est désormais clair et ne concerne pas seulement le plastique. Le groupe ambitionnait de verser à tous ses fournisseurs directs un salaire vital d’ici 2030. Désormais il vise la moitié de cette cible à la même date. “Ce n’est pourtant pas le moment de faire marche arrière”, fustige Nina Schrank, responsable chez Greenpeace.
L’ONG Milieudefensie, en collaboration avec l’agence de recherche indépendante Profundo, a par ailleurs passé au crible les ambitions climatiques d’Unilever et estimé que sur la période 2016-2050, les émissions du groupe entraîneront 268 milliards d’euros de dommages climatiques. “Les plans sont loin d’atteindre la réduction de 48% de CO2 conformément à l’Accord de Paris”, note l’ONG.
Reste que l’ADN durable du groupe ne semble pas tout à fait effacé. Fin avril, Unilever a indiqué ne plus vouloir être membre de lobbys climato-sceptiques. Elle a passé à la moulinette les 27 organisations professionnelles internationales dont elle est membre et s’est ainsi dégagée de huit associations qui n’évoquaient tout simplement pas le climat en public comme Consumer goods forum, Cosmectics Europe ou Food industry Asia.