Publié le 26 mars 2024

Le bras de fer se poursuit autour de la loi européenne sur la restauration de la nature. Le texte rassemble contre lui des élus d’extrême-droite et d’une partie de la droite, ainsi que de nombreux lobbys. Alors qu’un accord semblait entériné, le retrait surprise de la Hongrie bloque l’adoption du texte.

Nouveau coup de théâtre sur la scène européenne. Le projet de loi sur la restauration de la nature a de nouveau été torpillé, cette fois dans la dernière ligne droite avant son adoption, qui ne devait être qu’une simple formalité. Une situation exceptionnelle qui semble être devenue la règle ces derniers mois. Le texte, qui vise à préserver la biodiversité de 20% des terres et des mers, avait fait l’objet en février d’un accord en trilogue (entre les trois instances européennes) et d’un vote positif au Parlement européen. “Ne restait plus” qu’à passer l’épreuve du Conseil de l’UE.

Sauf que le projet de loi a été retiré de l’ordre du jour du conseil des ministres de l’Environnement du lundi 25 mars à la dernière minute, après le retrait surprise de la Hongrie, qui ne permet plus d’obtenir la majorité qualifiée. “Il est difficile de comprendre le changement d’orientation du gouvernement hongrois, souligne Katalin Sipos, directrice du WWF Hongrie, car il existe dans notre pays plusieurs mesures qui s’inscrivent pleinement dans les objectifs de restauration de la nature.” Ces changements “radicaux” compromettent “la fiabilité des décisions et le sérieux de la diplomatie hongroise”, abonde Ákos Éger, président de l’Association des défenseurs de l’environnement hongrois.

Cinq pays sont contre

Le pays, qui avait jusqu’ici toujours soutenu le texte, explique son renoncement par la protestation du monde agricole et pour des motifs de sécurité alimentaire. “Dans le contexte politique général, beaucoup de choses se sont passées” entre la dernière réunion du Conseil en novembre et aujourd’hui, a indiqué la ministre hongroise de l’Environnement, Aniko Raisz, à son arrivée à Bruxelles. “Sur nos objectifs environnementaux et climatiques, nous devons rester réalistes et tenir compte de tous les secteurs. Or le secteur agricole est important pour la Hongrie mais aussi pour les autres pays de l’UE”, a-t-elle ajouté.

La Hongrie rejoint ainsi un groupe de cinq pays opposés au texte, qui comprend les Pays-Bas, l’Italie, la Suède et la Pologne. Trois autres pays s’abstiennent, à savoir l’Autriche, la Finlande et la Belgique. Cette dernière, qui assure la présidence du Conseil de l’UE jusqu’en juin, promet toutefois que ce dossier reste “une priorité”. “Nous approuverons ce texte à un autre moment, nous l’espérons, le plus vite possible“, a précisé le ministre bruxellois Alain Maron, sans donner de date. Le prochain conseil Environnement de l’UE n’aura lieu que le 17 juin, sous la présidence de la… Hongrie.

“Sentiment populiste anti-vert”

Pilier du Pacte vert, la loi de restauration de la nature est le texte le plus important pour la biodiversité européenne depuis 30 ans. Il permettrait à l’UE de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord Kunming-Montréal en 2022. “Il est totalement incompréhensible et révoltant de voir la loi sacrifiée sur l’autel du sentiment populiste anti-vert, dépourvu de toute explication rationnelle, et sapant ainsi le processus décisionnel démocratique”, a réagi la coalition #RestoreNature, composée de BirdLife Europe, ClientEarth, EEB et WWF EU dans un communiqué.

Réautorisation du glyphosate, un herbicide controversé, pour dix ans, report de la règlementation sur les pesticides ou encore de la réforme Reach sur les substances chimiques, mais aussi de la loi-cadre sur les systèmes alimentaires durables…Depuis plusieurs mois, sur fond d’élections européennes, les positions de l’extrême-droite et d’une partie de la droite se sont durcies contre les textes liées à la protection de la nature.

“Prétextant à des excès réglementaires, les droites européennes, de l’extrême-droite aux libéraux, s’allient depuis des mois contre toute mesure environnementale. Ils prétendent défendre les agriculteurs, ils ne défendent que le statu quo et les profits de l’agro-industrie et des grandes entreprises“, fustige Marie Toussaint, députée européenne et tête de liste pour les Verts européens.

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