Pourquoi avez-vous décidé de renforcer votre stratégie environnementale ?
Lorsque j’ai pris la présidence du Directoire du groupe en 2021, j’ai souhaité re-challenger notre stratégie en matière de développement durable, baptisée alors “Better Places 2030”. Validée par la Science-based target initiative (SBTi) en 2020, son ambition était de réduire les émissions de gaz à effet de serre émises par nos activités de 50% d’ici 2030 par rapport 2015, en incluant le scope 3. Ce qui était, à l’époque, une première pour le secteur. Nous avons atteint aujourd’hui 41% de réduction, ce qui est encourageant. Mais nous n’avons fait que la moitié du chemin selon moi. Après plusieurs réunions avec le Directoire, nous avons décidé de réviser en profondeur notre stratégie et d’aller au-delà de 2030.
Nous avons mené un important travail avec nos équipes internes en 2022, et nous nous sommes fixé un objectif de réduction de nos émissions carbone de scope 1 et de scope 2 de 90% d’ici 2030. Nous contribuerons à séquestrer l’équivalent des 10% restants au travers de projets présentant de forts co-bénéfices notamment en matière de biodiversité. Nous travaillerons jusqu’en 2050 à la réduction des émissions du scope 3, pour atteindre 90% de réduction sur les scopes 1, 2 et 3 en 2050. Ces nouveaux objectifs sont conformes aux objectifs fixés par le Giec et validés par le SBTi. Nous sommes aujourd’hui la sixième entreprise du CAC40 et la première de notre industrie en Europe continentale à l’avoir fait.
En parallèle, nous avons également intégré le sujet de la biodiversité, celui de l’eau et sa réutilisation, et la diminution du volume de déchets dans notre stratégie. Nous voulons enfin améliorer la capacité de nos centres à recycler nos déchets opérationnels pour atteindre 70% de recyclage, contre 41% aujourd’hui, ce qui doit impérativement changer.
Comment vos investisseurs ont-ils perçus cette nouvelle stratégie ?
Présenter dans le détail cette ambition est fondamental, notamment parce qu’il existe une inquiétude des investisseurs sur le coût réel de la transformation environnementale. Le fait de l’expliquer clairement et d’avoir une démarche certifiée est très rassurant pour eux.
Les investisseurs sont demandeurs de ce type de feuille de route. Notre plan est détaillé, objectivé et financé. Nous sommes capables d’expliquer exactement comment nous allons atteindre nos objectifs et de présenter le plan de financement correspondant.
Ressentez-vous la pression de la réglementation pour mettre en place une telle stratégie ?
C’est une stratégie que nous développons avec une vision business, nous ne le faisons pas sous la contrainte de la réglementation : elle est clé pour notre succès. Nous avons décidé de créer une certification qui nous est propre pour nos actifs, “Better Places”. Elle comprend un ensemble de certifications existantes et des éléments complémentaires. Un exemple : le Sustainable retail index qui consiste à déterminer le niveau d’engagement dans la transition environnementale des enseignes qui louent nos espaces : ont-elles un plan, quel niveau de réalisation, comment le font-elles évoluer ?
Nous voulons pouvoir dire au marché que nous avons X% de nos revenus générés par des commerçants au-dessus de la moyenne en matière d’engagements, X% dans la moyenne, X% qui n’ont pas de plan. Les investisseurs auront ainsi la visibilité sur la façon dont nous transformons nos actifs et sur la pérennité de nos revenus. Cela nous permet de partager notre performance globale auprès de notre communauté financière et celle au niveau du centre commercial, sans faire de “name and shame”.
Est-ce que cela impacte aussi votre manière de développer des centres commerciaux ?
Nous sommes implantés plutôt dans les grandes villes. Or les villes vont devoir se régénérer, se transformer. En tant qu’opérateur d’infrastructures urbaines, avec une politique environnementale forte, nous avons la capacité d’aider à repenser la ville de demain. À une époque, les développements étaient plutôt monovalents : dédiés intégralement au logement, ou au commerce, etc. La vision urbanistique de la ville se faisait avec plusieurs opérateurs différents, dans une logique d’étalement de la ville. Aujourd’hui, nous sommes au contraire dans une logique d’intensification de l’usage de la ville tout en essayant de la tenir dans son périmètre actuel. Notre métier devient beaucoup plus complexe.
Par exemple, le groupe s’apprête à livrer à Hambourg un actif qui est plus qu’un centre commercial. Nous avons créé une extension de quartier. La ville a reconquis sur le port industriel des espaces urbains, nous y développons aussi bien des logements, des bureaux, des hôtels, un terminal de croisière, qu’un centre commercial. Et ce quartier est à sept minutes à pied du centre historique de la ville. Quand vous êtes confrontés à des restructurations aussi fortes, vous avez besoin d’un maître d’œuvre global comme nous.
Vous ne pouvez pas devenir le développeur de tels quartiers si vous n’avez pas un engagement fort pour réduire l’impact de la construction, car aucune ville ne donnera d’autorisation si vous n’êtes pas capable de donner des éléments de preuve de votre engagement et une trajectoire de réduction de votre empreinte.
Est-ce pour cela que vous avez décidé de revoir le projet de développement du centre de Rosny-sous-Bois ?
Nous avions proposé en première intention en 2018 un projet d’extension du centre commercial, qui a généré des oppositions. Nous avons décidé de retirer les permis de construire et d’organiser une consultation du public à Rosny qui en décembre a donné des résultats clairs sur les demandes des habitants, des usagers des transports en commun de la zone et des visiteurs du centre. Je pense que le sujet aujourd’hui n’est pas tant d’étendre le commerce que de rendre l’espace plus connecté à la ville pour améliorer sa performance et répondre aux nouvelles attentes des habitants, qui évoluent en raison notamment de l’arrivée des nouvelles lignes de transports.
Deux lignes de métro vont y voir le jour entre 2025 et 2027, nous serons donc forcément sur-capacitaires en places de parking, d’autant qu’il y a déjà une gare de RER. Nous sommes aujourd’hui prêts à redonner du foncier pour faire autre chose que du parking. Nous pensons qu’il y a par exemple la possibilité de faire de la renaturation en créant des espaces verts. Et ce n’est pas juste à Rosny : tous nos actifs existants mettront en œuvre un projet de renaturation d’ici 2030, avec un travail particulier sur la qualité des sols pour favoriser la biodiversité. ■