C’est un coup de tonnerre qui vient de frapper le monde de la distribution. La chaîne canadienne Couche-Tard, quasi inconnue en France, voudrait racheter un des fleurons tricolores de la grande distribution : Carrefour. Les deux entreprises ont en effet confirmé travailler sur un "rapprochement", comme l’avait révélé Bloomberg mardi 12 janvier. Si les discussions n’en sont qu’au stade préliminaire, elles avancent bon train. Le groupe québécois a commencé les négociations avec une offre de rachat de 20 milliards d’euros.
Les Bourses adorent ! À l’annonce de ce rapprochement, le cours de l’action de Carrefour a enregistré une hausse de 15 % jusqu’à atteindre 18 euros mercredi 13 janvier. Mais le gouvernement est beaucoup moins enthousiaste. C’est en particulier Bercy qui voit cette offre "amicale" comme la décrit Carrefour, d’un mauvais œil.
"A priori, je ne suis pas favorable à cette opération", a déclaré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire dans l’émission C à vous. "J’ai vu pendant la crise de la Covid, lors du premier confinement, à quel point la sécurité d’approvisionnement était vitale pour tous. Le jour où vous allez chez Carrefour, chez Auchan ou chez Leclerc et qu’il n’y a plus de pâte, de riz… Qu’il n’y a plus de biens essentiels, vous faites comment ? Ce qui est en jeu c’est la souveraineté alimentaire des Français", a-t-il prévenu.
Sécuriser les chaînes d’approvisionnement en France
Avec la pandémie, la souveraineté alimentaire est en effet devenue une des priorités du gouvernement. Et Bercy peut tout à fait s’opposer au rapprochement entre Carrefour et Couche-Tard. Le ministre a en effet rappelé que le décret sur le contrôle des investissements étrangers permet de "donner ou non notre accord à des opérations de ce type-là". D’autant que la loi Pacte vient d’être complétée : "Nous avons rajouté mot pour mot que la distribution alimentaire est soumise à accord préalable du ministre de l’Économie et des Finances", a-t-il précisé.
Si Bercy est aussi frileux c’est aussi parce que Carrefour est aussi le premier employeur privé de France (100 000 dans le pays, 320 000 dans le monde). De plus, depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard à sa tête, le distributeur est devenu le symbole de la "transition alimentaire". Produits locaux, bio, magasin de proximité… La ministre du Travail et ancienne ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, craint que le rachat de Carrefour, freine cette dynamique. "La stratégie de Carrefour qui est de faire travailler les producteurs locaux, les agriculteurs locaux, est quelque chose dont on a pu voir que c’était important dans la crise sanitaire", a-t-elle expliqué sur Europe 1. "C’est important que Carrefour soit préservé dans sa stratégie", a-t-elle souligné.
Face à Amazon et Leclerc, Carrefour veut s’imposer
Toutefois, le groupe est fragile. Son chiffre d’affaires pèse quasiment le double de celui de Couche-Tard avec 81 milliards en 2019 mais son cours de Bourse, lui, est en chute libre depuis une décennie là où le Québécois a réalisé une vraie performance. D’où l’intérêt que porte le numéro 6 mondial de la distribution à Couche-Tard. Face à Amazon ou Leclerc qui lui grignotent lentement mais sûrement des parts de marché, Carrefour est "dans l’obligation de trouver une forme d’alliance", croit Yves Marin, expert du secteur de la distribution au sein du cabinet Bartle, interrogé par l’AFP.
Pour Couche-Tard, entreprise en bonne santé financière, dont la dette est faible malgré de nombreuses acquisitions, l’intérêt est de se diversifier. L’essentiel du chiffre d’affaires du groupe canadien, spécialiste des supérettes adossées à des stations-service, repose en effet sur les ventes de carburant. Un modèle économique non viable à long terme avec l’accélération de la transition écologique et le boom des voitures électriques. L’entreprise canadienne va donc devoir désormais apporter des garanties sociales et économiques pour convaincre Bercy de ne pas s’opposer à l’opération.
Marina Fabre, @fabre_marina
Publié le 14 janvier 2021
Carrefour passera-t-il sous pavillon étranger ? Le Canadien Couche-Tard a en effet contacté l'entreprise française en ce sens mais Bercy refuse catégoriquement un rachat du numéro 6 mondial de la distribution. C'est un enjeu de "souveraineté alimentaire" et de "sécurité d'approvisionnement", juge Bruno Le Maire qui a rappelé l'importance de ces questions à l'heure du Covid-19.
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