La première Responsabilité sociale (RSE) d’un groupe de médias est celle de ses contenus, eux-mêmes étroitement liés à la volonté de ses principaux actionnaires… Après CNews du groupe Vivendi, c’est aujourd’hui Europe 1, Groupe Lagardère qui prend le chemin d’une réorientation à droite toute. Dans les deux cas, on retrouve Vincent Bolloré en actionnaire clef. La révélation de la future nomination de Louis de Raguenel, rédacteur en chef de de Valeurs Actuelles, à la tête du Service Politique d’Europe 1, a déclenché une levée de boucliers de la société des rédacteurs de la radio.
Mais il est sans doute déjà trop tard. Valeurs Actuelles, c’est non seulement la représentation de la députée Danielle Obono en esclave enchainée mais aussi des Unes anti-écologistes. On retrouve cette ligne éditoriale sur CNews, construite sur les cendres d’iTele qui ouvre son antenne non seulement à Zemmour mais aussi à des propos climato-sceptiques assumés. La volonté de construire un groupe de média français type Fox News, fondé par le magnat australien Ruper Murdoch, a une justification économique : l’audience !
Émissions de clash
Elle est en principe vecteur de publicité et donc de revenus financiers pour ces médias aux modèles économiques très fragiles. Pourtant ces audiences restent à risque puisque les marques ne souhaitent pas forcément être associées aux propos discutables tenus dans les émissions de clash. De plus les campagnes appelant les annonceurs à retirer leurs budgets se multiplient à l’image de celles que mène la branche française de Sleeping Giant, un "collectif de citoyens qui lutte contre le financement des discours de haine".
La haine, les discriminations sont nocives pour la santé, vos clients le savent, chère @MNH_Mutuelle.
Malheureusement, votre pub a atterri, à votre insu, sur Valeurs Actuelles, site déjà condamné pour racisme.Pourriez-vous l’exclure de votre plan marketing, svp ?! pic.twitter.com/EKPgr6hvwm
— Sleeping Giants FR (@slpng_giants_fr) September 6, 2020
La diffusion massive d’informations tronquées, à charge, peu respectueuse de faits scientifiques a des effets identifiés. Aux États-Unis, Fox News a joué un rôle clef dans l’élection de Donald Trump et prépare une éventuelle réélection en novembre, loin d’être impossible. En France, le débat public est faussé par cette agitation de vieux démons à longueur de débats filmés, aussi bien sur les questions de discrimination que d’environnement. L’histoire nous a appris que cela pouvait mal finir. Le 4 septembre 2020, on a célébré en grandes pompes le 150éme anniversaire de la 3eme République. Or elle s’est terminée par les sombres années 30 et leurs cortèges de renoncements qui ont préparé l’avènement du nazisme.
Pour comprendre la nature des crises actuelles mais aussi les choix à faire pour y répondre, l’opinion publique a besoin d’être informée le plus scientifiquement et objectivement possible. Cela semble compromis par la libre antenne offerte à des polémistes dont les "opinions" posent des problèmes juridiques et démocratiques. C’est bien pourquoi la RSE des médias doit être un sujet au cœur des préoccupations des actionnaires et des auditeurs qui se soucient de l’impact des contenus.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic