Publié le 15 avril 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Nicole Notat : "Le rachat de Vigeo Eiris par Moody’s permettra aux notations financières et ESG de s’enrichir mutuellement"
C’est officiel. L’agence de notation financière Moody’s Investors service est devenue actionnaire majoritaire de l’agence extra-financière Vigeo Eiris. Une opération qui "anticipe les recommandations de la Commission européenne sur la finance responsable et des Principes pour l’investissement responsable, qui incitent les agences financières à venir affiner leurs modèles grâce à l’extra-financier", selon Nicole Notat, la fondatrice et présidente de Vigeo Eiris.

@Vigeo Eiris
Novethic. L'agence de notation financière Moody’s vient de racheter Vigeo Eiris, agence de notation extra-financière. Qu’est ce que cela implique pour le futur de la notation des entreprises ?
Nicole Notat. Cela implique trois choses. Sur la notation elle-même d’abord. Si notre cœur de métier -celui de la notation - est le même, l’objet de celle-ci est différent : il s’agit pour Moody’s d’évaluer la capacité de l’émetteur à rembourser ses dettes et, pour Vigeo Eiris, d'anticiper les risques futurs de durabilité des entreprises. Ces deux notations doivent se fertiliser l’une l’autre car il est clair aujourd’hui qu’une entreprise qui ne maîtriserait pas ses risques environnementaux par exemple, présenterait en plus des risques de réputation, des risques contentieux et financiers. Pour autant, il ne s’agit pas de fusionner les notes, ce ne serait ni opportun ni pertinent car les horizons et les objets de ces deux notations sont différents. Nous continuerons donc à offrir deux produits séparés.
Le rachat va également permettre de consolider notre modèle économique. Celui que nous avions mis en place n’est plus viable. Nous allons nous calquer sur le modèle de la notation financière qui a fait ses preuves, en mettant également à contribution les émetteurs. Enfin, cette opération est sûrement la meilleure voie pour affirmer notre raison d’être qui est d’amener les investisseurs et les émetteurs à avancer vers un modèle économique soutenable et inclusif.
Que cela implique-t-il pour la structure même de Vigeo Eiris ?
Vigeo Eiris conserve son nom, son siège social en France et l’ensemble de son personnel. C’est un point sur lequel nous avons évidemment été extrêmement vigilants. Ce rachat est même, selon moi, un levier de développement de l’emploi via l’augmentation de notre couverture et de notre offre de produits.
Concernant l’organisation, je reste la présidente de l'agence et nous avons recruté Sabine Lochmann en tant que directrice générale pour piloter la croissance. Je tiens à préciser que nous gardons notre autonomie sur notre approche analytique. Le conseil scientifique de l’agence, qui est garant de la fiabilité et de la robustesse de notre méthodologie, conserve d’ailleurs ses attributions.
Le rapprochement des différentes agences de notation extra-financières avec des agences financières américaines, fait craindre à certains acteurs un risque d’hégémonie américaine sur l’évaluation ESG (environnement, social et gouvernance). Que répondez-vous ?
Deux choses. D’abord, force est de constater que sur le marché, il n’y avait pas d’opérateurs européens qui nous permettait d’offrir le même niveau d’opportunité et de couverture géographique qu’un opérateur américain. C’est un principe de réalité.
Deuxièmement, la France et l’Europe sont perçus par les investisseurs gérants et les émetteurs comme ayant un temps d’avance sur l’intégration ESG, et c’est aussi cela que Moody’s vient chercher. Cela nous permet d’inspirer le changement de modèle au niveau international tout en conservant notre concept et notre savoir-faire.
Propos recueillis par Béatrice Héraud, @beatriceheraud