Publié le 08 janvier 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Carlos Ghosn nie toute dissimulation de salaire aux autorités japonaises, à l’occasion de sa première apparition publique
Pour la première fois depuis le 19 novembre 2018, l’ancien patron de l’alliance Renault-Nissan est apparu dans une comparution publique. Il assure que les accusations à son endroit, dont dissimulation aux autorités boursières d'une partie de ses revenus, sont fausses. De son côté, la justice japonaise justifie son maintien en détention en raison du risque de fuite à l’étranger.

@BehrouzMehri/AFP
Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, s'est dit "faussement accusé et détenu de manière injuste", lors de sa première comparution devant un juge, près de deux mois après son arrestation surprise à Tokyo. Vêtu d'un costume sombre, sans cravate, sandales vertes en plastique au pied, il est apparu nettement amaigri, les joues creuses, menotté, avec une corde autour de la taille avant le début de la séance qui a duré quasiment deux heures.
S'exprimant en anglais, il a rappelé avoir dédié "deux décennies de sa vie à relever Nissan et bâtir l'alliance", une entreprise qu'il dit aimer. Le dirigeant franco-libano-brésilien affirme "avoir agi avec honneur, légalement et avec la connaissance et l'approbation des dirigeants de la compagnie", selon une déclaration écrite qu'il a lue.
Il a assuré n'avoir nullement fait couvrir des pertes personnelles à Nissan et a détaillé les transactions pour lesquelles il est accusé d'abus de confiance, assurant que les sommes versées par une filiale de Nissan à un homme d'affaires saoudien l'ont été en rétribution de services rendus pour aider le groupe dans la région du Golfe.
Crainte de fuite à l’étranger
Le juge a justifié de son côté son maintien en détention par un risque de fuite à l'étranger "où il a des bases" et d'altération de preuves. "Il y a suffisamment d'éléments pour estimer que le suspect pourrait inciter des personnes concernées à dissimuler des infractions", a argué le magistrat Yuichi Tada.
Lors de l’audition, l'ambassadeur de France au Japon, Laurent Pic, était présent "dans le cadre de la protection consulaire", selon un porte-parole de l'ambassade. Devaient aussi en être son homologue du Liban et le consul du Brésil, d'après la chaîne de télévision publique NHK.
À la suite l’équipe d'avocats, menée par un ancien procureur, Motonari Otsuru a tenu une conférence de presse. Ils ont démenti point par point les différentes. Ils ont annoncé une demande de libération dès ce mardi 8 janvier mais ont conscience qu’elle n’a quasiment aucune chance d’être acceptée.
Carlos Ghosn a été mis en examen le 10 décembre pour dissimulation aux autorités boursières d'une partie de ses revenus perçus chez Nissan : environ 5 milliards de yens (38 millions d'euros) sur cinq années, de 2010 à 2015. À l'issue de cette première garde à vue, il a fait l'objet d'un nouveau mandat d'arrêt pour une minoration similaire d'émoluments, mais cette fois entre 2015 et 2018, puis d'un troisième, pour abus de confiance.
La France appelle à la présomption d’innocence
La longueur de la détention de Carlos Ghosn, dont la fin est prévue le 11 janvier mais qui sera certainement prolongée, commence à semer le doute dans l’esprit de ses proches sur les intentions de Tokyo. Deux de ses filles, interviewées par le New York Times, s'interrogeant sur une cabale de Nissan afin de contrer un éventuel projet de fusion avec Renault.
La femme de Greg Kelly, bras droit de Carlos Ghosn arrêté le même jour que lui et relâché le 25 décembre sous caution, a elle aussi dénoncé "un complot international, une trahison de certains dirigeants de Nissan".
Ce scénario est réfuté par le constructeur japonais qui dit n'avoir eu d'autre choix que de "mettre fin aux graves agissements" de celui qui l'avait naguère sauvé. L'affaire est partie d'un ou plusieurs lanceurs d'alerte au sein du groupe, qui a mené l'enquête dans le secret pendant plusieurs mois avant de transmettre les informations au parquet, lequel a parallèlement conduit ses propres investigations.
Côté français, on continue à apporter son soutien à Carlos Ghosn qui est toujours patron du premier constructeur français. "Le plus important aujourd'hui c'est que (la) présomption d'innocence soit respectée et qu'on veille à l'alliance Renault-Nissan. Il y a beaucoup d'emplois à la clef, il y a beaucoup de sujets économiques et sociaux."
La rédaction avec AFP