Publié le 14 janvier 2020

FINANCE DURABLE

Larry Fink veut engager BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, vers des investissements plus durables

Le réchauffement climatique est l’une des crises les plus importantes de notre temps, selon Larry Fink. Dans sa lettre annuelle à ses clients, le PDG de BlackRock annonce vouloir renforcer sa part d’investissements durables et sa volonté de pousser les entreprises vers un modèle bas carbone, quitte à voter contre les dirigeants lors des assemblées générales. Un retournement inattendu chez un acteur critiqué pour son inaction climatique. 

Dans sa lettre annuelle, Larry Fink, le PDG de BlackRock, s'engage à faire de l'investissement durable la norme de sa société de gestion.
@AFP

La lettre annuelle de Larry Fink, le PDG de BlackRock, et attendue tous les mois de janvier par les clients du plus gros gérant d’actifs au monde. Cette année, petite surprise, la missive est accompagnée d’une seconde lettre rédigée par les membres du comité exécutif. La raison tient à la volonté de la société américaine de transformer ses pratiques, pour faire de l’investissement durable la norme de BlackRock. Larry Fink explique le pourquoi, le comité exécutif annonce le comment.

"Nous estimons que l’investissement durable représente désormais le meilleur gage de robustesse pour les portefeuilles des clients", écrit ainsi Larry Fink. Selon lui, le changement climatique constitue une "crise beaucoup plus structurelle et de plus long terme", que toutes les crises économiques rencontrées pendant ses quarante ans de carrière. Les investisseurs clients de BlackRock s’en inquiètent également et sont de plus en plus nombreux à demander à intégrer le risque climatique dans leurs portefeuilles. "Si dix pour cent des investisseurs internationaux – ou même cinq pour cent – mettent ce projet à exécution, nous assisterons à des transferts de capitaux massifs", déclare Larry Fink.

Renforcer la stratégie de vote

Cette lettre arrive dans un contexte où BlackRock se fait de plus en plus souvent épingler pour la faiblesse de son action pour le climat. Avec plus de 6900 milliards de dollars d’actifs sous gestion, ce géant de la finance dispose pourtant d’une force de frappe importante, qu’il n’utilise pas toujours. L’ONG américaine Majority Action l’a démontré dans une étude récente sur les votes aux assemblées générales des entreprises, soulignant que BlackRock votait contre une grande partie des résolutions favorables au climat.

Les lettres de Larry Fink et du comité exécutif semblent justement y apporter une réponse. D’abord en rappelant l’adhésion de BlackRock à l’initiative d’engagement actionnarial Climate Action 100+. Mais aussi en annonçant une nouvelle politique de vote plus engagée. Le gérant d’actifs explique ses votes passés par les discussions qu’il menait avec les directions d’entreprises pour les inciter à se transformer et par la nécessité de leur laisser le temps de s’organiser. Ce temps semble désormais révolu.

Le comité exécutif de BlackRock annonce ainsi vouloir demander aux entreprises dans lesquels il investit de communiquer sur leur stratégie permettant de réduire le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés. "Compte tenu du travail préparatoire déjà accompli et de la progression des risques d’investissement liés au développement durable, nous sommes enclins à voter contre la direction des entreprises n’ayant pas fait suffisamment de progrès en ce sens", assurent-ils. En parallèle, BlackRock prévoit de communiquer plus souvent sur ses activités de vote, ce qui permettra de vérifier si son engagement est respecté.

Sortie du charbon thermique

BlackRock prévoit par ailleurs d’augmenter la part d’investissements durables dans ses portefeuilles. Une disposition qui concerne toutefois principalement sa gestion active, c’est-à-dire celle pour laquelle il peut réellement choisir les sociétés dans lesquelles il investit. Elle représente 1800 milliards de dollars sur le total de 6900 milliards, le reste étant constitué par la gestion indicielle, reproduisant des indices boursiers.

Le gérant d’actifs prévoit ainsi de ne plus investir dans des sociétés tirant plus de 25 % de leurs revenus de la production de charbon thermique. Un mouvement que les banques et assurances ont déjà entamé depuis quelques années. BlackRock va également lancer un nouveau fonds d’investissement à impact et renforcer sa gamme de fonds investis dans des activités bas carbone.

La stratégie annoncée par Larry Fink ne devrait pas changer en un jour le profil de BlackRock, mais il s’agit bien d’un début de réallocation d’actifs vers des entreprises moins émettrices. Reste à savoir si la position de la firme américaine, numéro un de la gestion d’actifs mondiale, aura un effet d’entraînement sur ses concurrents, notamment son compatriote Vanguard.

Arnaud Dumas, @ADumas5


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