Les mots sont forts et repris par tous. Dans son rapport remis au ministre de l’Économie Bruno Le Maire et à la ministre de la Transition écologique Élizabeth Borne, Jean-Martin Folz, ancien PDG de PSA, assure que "la construction de l’EPR aura accumulé tant de surcoûts et de délai qu’elle ne peut être considérée que comme un échec pour EDF". Au final, le réacteur va coûter 12,4 milliards d’euros contre les 3,3 prévus à l’origine et accusera plus de 10 ans de retard.
Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy ne peut qu’acter cette conclusion. "Le constat d’échec, je le partage. Et nous devons le partager chez EDF", admet-il. Il se plie aussi à la volonté des deux ministres de livrer sous un mois un "plan d’action" pour remettre le chantier et toute la filière aux "meilleurs niveaux d’exigence". Ce plan devra être présenté au conseil d’administration du groupe, puis validé par l’État, et un point d’étape sera réalisé fin 2020.
Le nucléaire à la frontière de la taxonomie
Au-delà des conséquences pour le nucléaire français et ses 125 000 salariés, l’EPR est au centre d’un enjeu qui dépasse les frontières du pays. Bruno Le Maire est engagé dans un combat au niveau européen pour imposer le nucléaire comme une énergie durable. Depuis juin 2019, l’Union européenne a lancé un travail considérable pour élaborer une classification de ce qui peut être considéré comme un investissement vert. Ces négociations doivent aboutir en 2021, pour une entrée en vigueur en 2022. Et, pour l’instant, l’atome a un pied dans cette taxonomie et un pied à l’extérieur.
Plusieurs pays, dont l’Allemagne, s’opposent à la France et veulent sortir manu militari le nucléaire de la liste des investissements verts. La commission, de son côté, reconnaît son intérêt dans la lutte contre le réchauffement climatique, vu son bilan carbone positif, mais veut se donner du temps pour juger ses effets secondaires. En France, Bruno Le Maire reste campé sur ses positions. Lors d’une conférence sur le Fonds vert, il a assuré que "La France plaidera pour que l’énergie nucléaire fasse partie de ce label écologique", label qui pourrait découler de la taxonomie.
Renouvellement du parc français
Il a rejeté les critiques venues de certains pays, en les qualifiant "d’idéologiques" et en assurant se baser sur des critères "scientifiques". "Nous ne pouvons pas réussir la transition écologique et nous ne pouvons pas parvenir à notre objectif en termes de lutte contre le réchauffement climatique sans l’énergie nucléaire", a assuré le ministre.
Mais le seul critère environnemental ne suffira pas aux investisseurs. Ils veulent des projets positifs pour la transition énergétique, mais aussi des projets qui présentent un bon rendement. Ce qui ne sera pas le cas si la filière nucléaire française continue à dériver en coûts et en temps sur ses grands projets. La France va devoir dans quelques années – un délai très court à l’échelle du nucléaire – choisir si elle s’engage dans le renouvellement du parc nucléaire français. Vers 2023, Emmanuel Macron ou son successeur devra prendre une décision. Un oui engagera des dizaines de milliards d’euros que l’électricien historique ne pourra pas réunir sans le soutien de la finance verte.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin
Publié le 29 octobre 2019
Bruno Le Maire frappe fort sur la table de la filière nucléaire française. Après la publication d’un rapport sur l’échec du chantier de l’EPR de Flamanville, il donne un mois à EDF pour rattraper ce projet dont les coûts ont plus que triplé. Au-delà de ce seul réacteur, c’est tout l’avenir du nucléaire français qui est en jeu. La France milite pour faire entrer l’atome dans la classification des activités vertes de l’Union européenne. Mais si la filière ne prouve pas qu’elle est rentable, elle n’attirera aucun investisseur durable…
Découvrir gratuitement
l'univers Novethic
- 2 newsletters hebdomadaires
- Alertes quotidiennes
- Etudes