Publié le 03 juillet 2017
ENTREPRISES RESPONSABLES
Reporting climat des entreprises : la TCFD pose le cadre international
Un groupe d'experts sur le climat, la TCFD (Task Force on Climate Disclosure), placé sous l'égide du G20, a rendu son rapport final sur l’évaluation du risque que fait peser le changement climatique pour les entreprises et l’économie. Près de 2 300 milliards de dollars de valeurs boursières sont menacées.

Suncor
Il aura fallu 18 mois seulement au groupe de travail mis en place par le Conseil de stabilité financière du G20 pour proposer aux entreprises des lignes directrices de reporting sur le climat. Le rapport final de la TCFD (Task Force on Climate Disclosure), publié le 29 juin, sera présenté au G20 réuni en Allemagne début juillet. Combien de temps faudra-t-il pour que les pays membres de l’organisation qui représente 85 % de l’économie mondiale, obligent les entreprises à les utiliser ? De leur rapidité dépend la capacité de l’économie mondiale à respecter l’objectif de l’Accord de Paris : garder le réchauffement climatique en dessous de 2°C.
Au premier regard, les lignes directrices de reporting sur le climat semblent un sujet assez technique peu susceptible de déclencher les passions. Or, celles que proposent la TCFD, le groupe de travail mis en place par le conseil de stabilité financière du G20, sont au contraire au cœur des grands débats du moment et ont fait l’objet de nombreuses contributions à charge et à décharge partout dans le monde.
Disparation de 2 300 milliards de valeurs boursières
Elles reposent sur l’idée que le changement climatique est un risque systémique pour l’économie et la finance. Par conséquent, les entreprises et les divers acteurs financiers doivent évaluer et chiffrer leur exposition à ce risque pour mettre en place les stratégies nécessaires pour en limiter l’impact. Cette vision, encore théorique, est loin d’être partagée par tous les membres du G20. C’est pourquoi la TCFD présidée par Michael Bloomberg martèle les messages suivants :
1. Le changement climatique est un risque qui va coûter très cher à l’économie : on évoque la disparition de 2 300 milliards de dollars de valeurs boursières d’entreprises carbo-intensives, en particulier dans le secteur pétrolier.
2. Le reporting est essentiel pour diminuer le dit risque puisqu’il est le principal outil qui permet aux actionnaires, aux banques et autres acteurs financiers d’en évaluer le prix.
3. L’analyse sous forme de scénarios est indispensable pour comprendre les risques et opportunités que vont connaître les entreprises à cause du changement climatique. C’est pourquoi la TCFD recommande aux compagnies de publier ce qu’on appelle des scénarios 2°C. C’est-à-dire une évaluation de l’impact potentiel du changement climatique sur leurs activités. C’est exactement ce que 62 % de ses actionnaires ont demandé au pétrolier américain Exxon lors de son assemblée générale de mai 2017.
Des stratégies pour respecter l’Accord de Paris
De façon plus globale, intégrer le risque climat dans l’économie et la finance signifie concrètement que les entreprises de tous secteurs et de toute taille mesurent leurs émissions et fixent des objectifs de réduction cohérents avec le cap fixé par l’Accord de Paris. Elles doivent également expliquer la stratégie mise en œuvre pour l’atteindre à leurs actionnaires et que les investisseurs utilisent ces données pour mesurer l’empreinte carbone de leurs investissements et fixer des objectifs qui soient eux aussi cohérents avec l’objectif de 2 degrés.
Ce scénario optimum, qui permettrait de disposer de données comparables et de scenarios solides à horizon 2050, est encore loin. Moins de 300 compagnies, dont une trentaine de françaises comme l’Oréal, Axa ou Carrefour, participent à l’initiative Science Based Target qui vise à déterminer le quota d’émissions alloué à chacune pour espérer tenir le cap de 2°C.
Coté investisseurs, le mouvement a pris plus d’ampleur mais la mesure de l’empreinte carbone reste tributaire de la faible qualité des données fournies par la très grande majorité des entreprises. Ceci explique l’enthousiasme des investisseurs responsables à la publication du rapport final de la TCFD. A l’image de Philippe Desfossés, directeur de l’ERAFP, fonds de pension des fonctionnaires français et vice-président de l’Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC) : "Plus les entreprises publient des informations exactes sur les risques liés au changement climatique, plus il est facile pour les investisseurs d’allouer la masse de capitaux nécessaires au financement de la transition nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris".
Anne-Catherine Husson-Traore, Directrice générale de Novethic, @AC_HT_