Publié le 25 février 2019
ENTREPRISES RESPONSABLES
Les entreprises notent les agences de notation extra-financière… et leur donnent à peine la moyenne
2,78/5. C’est la note globale que donnent les entreprises du SBF120 aux agences de notation extra-financière. Soit une mention "passable". Au-delà de cette évaluation, pas toujours très tendre, commanditée par l’Afep, le Medef, le Cliff (association de relations investisseurs) et le C3D (Collège des directeurs développement durable), les organisations patronales formulent une dizaine de recommandations. De quoi, espèrent-elles, poursuivre la "relation constructive".

@oatwa
Habituellement, ce sont les agences de notations extra-financière qui notent les entreprises. Cette fois, ce sont elles qui se font noter. Et l’évaluation n’est pas toujours tendre… Elles obtiennent tout juste la moyenne avec 2,78/5 et sont pointées du doigt pour leur manque de transparence, de praticité ainsi que sur la qualité même de leur évaluation.
Cela n’est pas anodin car les notations des agences sont principalement destinées aux investisseurs pour les aider dans leurs décisions d’investissement ou leurs produits. Or, si les investisseurs classiques s’intéressent de plus en plus à l’aspect extra-financier, ils ne trouvent pas toujours dans ces notations les informations suffisantes pour leur analyse et développent de plus en plus les échanges en direct et/ou leurs propres questionnaires.
Mention "passable"
Cette multiplication des demandes, chronophage, pèse de plus en plus sur les entreprises. "Même les plus grandes, qui ont des équipes dédiées sont obligées de faire un tri dans les questionnaires auxquels elles répondent en choisissant les plus utiles ou les plus spécialisées. Et face à des agences, les investisseurs auront toujours un poids plus important, car l’impact financier est direct", souligne Fabrice Bonnifet, directeur du C3D (Collège des directeurs développement durable).
Une situation qui a décidé l’Afep, le Medef, le Cliff (association de relations investisseurs) et le C3D à lancer une enquête sur les agences de notation extra-financière. Elles ont demandé aux entreprises du SBF120 (1) de se prononcer sur huit organismes qui les consultent régulièrement pour évaluer leur performance extra-financière. On y trouve le CDP, EcoVadis, FTSE, MSCI, ISS-Oekom, RobecoSam, Sustainalytics et Vigeo Eiris. Mais pas Ethifinance qui regrette de n’avoir pas été consulté. Ces agences ont été notées sur 27 critères portant sur la gouvernance, la méthodologie, la relation avec les émetteurs, la gestion des controverses et l’évaluation globale.
Sans mentionner spécifiquement les notes obtenues par les différents organismes, l’étude montre un écart limité entre les différentes agences mais aussi l’existence, pour toutes, de "marges de progrès".
Concernant la méthodologie, c’est le manque de transparence qui revient régulièrement, plusieurs entreprises allant jusqu’à les qualifier de "boîtes noires". Cela est d’autant plus problématique, selon elles, qu’elles passent beaucoup de temps à remplir les différents questionnaires, sans parfois pouvoir bénéficier gratuitement de l’évaluation et analyse réalisée par l’agence. Autre grief : le manque de stabilité des méthodologies, sans qu’elles ne puissent avoir le temps de s’adapter aux nouvelles règles du jeu.
Un dialogue à renforcer avec les émetteurs
Les entreprises demandent également aux agences de mieux expliquer comment elles prennent en compte les controverses. Certaines sont parfois anecdotiques, locales ou très anciennes et ont déjà fait l’objet d’un traitement approprié, regrettent-elles. Elles souhaitent aussi une meilleure prise en compte des particularités françaises ou des enjeux sectoriels, en utilisant le mécanisme du "Comply or explain". Celui-ci permet aux entreprises d’expliquer pourquoi elles ne peuvent pas répondre à certaines questions ou se conformer à certains standards.
Concernant la gouvernance, elles demandent plus de transparence et de séparation entre les activités d’analyses et de conseil aux entreprises, qui peuvent donner lieu, selon elles, à des "conflits d’intérêts potentiels". Alors qu’elles attendent un retour sur les questionnements ESG (environnementaux, sociaux et gouvernance) pertinentes pour leurs activités et leur politique de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), elles estiment que les questionnaires pourraient aujourd’hui être plus utiles pour les faire progresser.
Si l’évaluation est restreinte au périmètre des entreprises françaises, les organismes patronaux qui ont réalisé l’étude recommandent cependant de porter la question au niveau européen dans le cadre des travaux menés en matière de finance durable. Elles préconisent l’adoption d’un cadre juridique adapté et d’imposer des normes minimales de transparence pour les agences de notation extra-financières ainsi qu’un code de bonne conduite imposant le "comply or explain".
Béatrice Héraud, @beatriceheraud