Publié le 12 décembre 2019
ENTREPRISES RESPONSABLES
L’entreprise inclusive, bien plus qu'une mode, un enjeu de performance
Sur le climat, les entreprises se veulent "neutres en carbone". En matière sociale, elles se veulent "inclusives". Ces derniers temps, les engagements se sont multipliés sur le sujet, vis-à-vis du handicap, des seniors, des jeunes, des habitants des zones rurales, des migrants… Une réponse à une demande sociétale forte mais pas seulement. L’entreprise est en effet gagnante en termes de performance et d’attractivité.

@victoria bar
"Inclusif", le mot est indéniablement en vogue. Les entreprises s’en réclament de plus en plus, en multipliant les engagements à mieux intégrer les personnes handicapées, les jeunes, les seniors, les femmes, les LGBT, les migrants… En novembre, plus de 100 grands patrons ont signé le "Manifeste inclusion" pour les personnes handicapées tandis qu’une dizaine de filiales de multinationales s’est fendue d’une tribune en faveur d’une meilleure inclusion sociale des jeunes défavorisés et des migrants. À l’occasion du G7 de Biarritz, c’étaient 34 grands groupes internationaux qui lançaient l’initiative "Business for inclusive Growth".
L’inclusion, pour sortir des silos
Cette multiplication des initiatives et une intégration aussi vaste de profils concernés peuvent faire craindre "un sujet un peu fourre-tout avec une utilisation du mot qui lui ferait perdre sa substance, souligne Maya Hagege, déléguée générale de l’Association française des managers de la diversité (AFMD). En même temps, cela permet peut-être de mieux assimiler sa philosophie". C’est l’essence même de la démarche qui entend sortir des actions diversité, souvent menées en silo. Celle-ci demande à l’entreprise d’être capable d’intégrer des profils hétéroclites, tout en assurant une bonne cohésion d’équipe et une performance optimale.
Le mouvement est loin d’être une mode. Venu des États-Unis, il est en cours depuis plusieurs années et s’est accéléré. Les mouvements sociaux n’y étant sans doute pas étranger, que ce soit via #Metoo, les Gilets jaunes ou le débat sur les réfugiés. Les entreprises ont été interpellées sur ces sujets et certaines ont commencé à réfléchir un peu différemment. "Cela a permis une prise de conscience sur les limites de la diversité. Si on comprend bien #Metoo on comprend aussi qu’il ne suffit pas d’avoir des femmes dans un conseil d’administration pour être inclusif mais bien de leur laisser la parole et de les écouter", souligne Pete Stone, auteur d’un rapport sur l’inclusion dans les organisations pour l’AFMD (1).
L’inclusion, source de performance
Et cela paye, selon Deloitte qui vient de publier une étude sur le sujet (2). "Les entreprises qui pratiquent une politique inclusive génèrent jusqu’à 30 % de chiffre d’affaires supplémentaire par salarié et une profitabilité supérieure à celle de leurs concurrents", assure le cabinet de conseil. Elles ont même 60 % de chances supplémentaires de voir leurs profits et leur productivité augmenter, d’avoir une meilleure réputation, de mieux attirer et conserver les talents ou encore d’engendrer plus de créativité et d’innovation, selon le Bureau International du travail.
Pour Stéphane Roussel, PDG de GameLoft et nouveau président d’Entreprises pour la Cité, cela s’explique par plusieurs facteurs comme l’exigence accrue "des clients, des talents et, de plus, des actionnaires qui veulent plus d’engagement des entreprises sur ces questions". Mais si "répondre à cette demande est nécessaire, elle n’est pas suffisante", assure-t-il.
L’inclusion, signe de maturité de l’entreprise
Car travailler sur l’inclusion est aussi un signe de maturité de l’entreprise sur la performance globale. "Ne pas travailler sur l’inclusion de profils divers, c’est à la fois se priver de compétences et de talents individuels, mais aussi ne pas comprendre la façon dont fonctionne l’intelligence collective d’une entreprise. Que faire d’une équipe de clones ?", souligne Stéphane Roussel. "Lorsque l’on imagine un jeu vidéo destiné à un large public, cela passe par la constitution d’équipes composées de talents qui réfléchissent différemment et se complètent et non qui pensent de la même façon !", illustre-t-il.
Le chemin pour devenir une entreprise réellement inclusive n’est cependant pas un long fleuve tranquille. Cela demande de s’adapter et non de demander aux collaborateurs de se conformer à ce qu’elle en attend. Mais aussi de casser l’autocensure qui peut freiner la dynamique. "Certains managers intermédiaires peuvent vouloir éviter de prendre des risques avec des profils dits atypiques, d’où l’importance de la prise de parole des dirigeants par le biais d’initiatives, notamment médiatiques. Cela permet aux mangers d’oser et in fine de faire gagner leur entreprise !", conclut Stéphane Roussel.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) Étude AFMD : L’inclusion dans les organisations : de la posture à la pratique Patrick Scharnitzky & Pete Stone
(2) Étude Deloitte : Comment faire de l'inclusion un levier de transformation des organisations?