Publié le 27 avril 2018
ENTREPRISES RESPONSABLES
Devoir de vigilance : attention aux clauses RSE dans les contrats !
Les clauses de responsabilité sociétale intègrent de plus en plus les contrats entre donneurs d’ordre et fournisseurs. Pourtant, celles-ci doivent gagner en clarté et en efficacité. C’est ce que recommandent Ecovadis et Affectio Mutandi au vu des résultats de leur étude sur l’intégration des clauses sociales, publiée ce 19 avril. Car pour ces experts, les clauses RSE sont des "leviers incontournables de la vigilance" des entreprises.

ACTE International
Difficile aujourd’hui de trouver un contrat n’incluant pas de clauses dites RSE, c’est-à-dire demandant aux fournisseurs de répondre à des critères environnementaux, sociaux ou d’éthique. Face à la pression règlementaire et la montée en puissance des achats responsables (avec la création de la norme internationale ISO 20 400 par exemple), elles sont quasi devenues incontournables. Plus de 70% des acheteurs y ont ainsi recours au niveau mondial. Pour autant, sont-elles réellement efficaces ?
Des clauses floues, des sanctions peu appliquées
Pas autant qu’elles le devraient, si l’on en croit l’étude réalisée par la plateforme d’évaluation de performance environnementale et sociale Ecovadis et l’agence conseil en stratégies sociétale Affectio Mutandi. Celle a été réalisée auprès de 50 donneurs d’ordre et 519 fournisseurs à travers le monde. Les auteurs ont élaboré une grille d’analyse de leur efficacité à partir de 6 critères : précision des clauses ; niveau de contrôle ; amplitude de la couverture ; niveau de contrainte ; adaptation au secteur, à la zone ou au fournisseur ; et cohérence des clauses avec le reste du contrat.
Résultat : le niveau de précision des clauses est extrêmement flou, celles-ci se contentant souvent de faire référence aux textes de référence du type Global Compact ou principes directeurs de l’OCDE. Or, des clauses trop floues n’ont aucune valeur juridique. A l’inverse, le niveau de contrôle est poussé avec des audits toujours plus nombreux mais qui restent souvent à la charge des fournisseurs. Au niveau de la couverture, les pratiques sont assez nuancées : certains donneurs d’ordres systématisent ces clauses et contrôles, quand d’autres se focalisent sur les fournisseurs directs à risques. Quant aux contraintes, elles ne sont pas suffisamment graduées (par exemple seulement la mention d’une résiliation en cas de violation d’une clause). De ce fait, elles sont peu appliquées.
Un manque de cohérence et d’adaptation
Enfin, les deux derniers critères, pourtant "décisifs et complémentaires" selon les commanditaires de l’étude, ont une très forte marge de progression. Très peu de donneurs d’ordre adaptent leurs clauses en fonction des fournisseurs, ce qui explique que près de 20% d’entre eux considèrent ces dispositions comme non pertinentes. Et plus de la moité des donneurs d’ordre avouent ne pas faire attention à ce que les clauses RSE ne soient pas contredites par d’autres exigences (ex : prix ou délais) dans le contrat…
Alors que les réglementations nationales intègrent de plus en plus la prise en compte des considérations environnementales, sociales et éthiques, dans la responsabilité légale des entreprises (droit de vigilance et loi Sapin 2 en France, Modern Slavery Act au Royaume Unis ou autres réglementation de ce type en préparation en Suède, en Australie ou aux Pays-bas), les résultats de l’étude peuvent inquiéter. Pour Yann Queinnec, fondateur d’Affectio Mutandi et juriste, ces clauses seront notamment examinées de près par les magistrats en cas de procès liés au devoir de vigilance que doivent exercer les grandes entreprises françaises et étrangères opérant sur le territoire français.
Les clauses RSE comme marqueurs du respect du devoir de vigilance
"Les clauses RSE permettent aux entreprises concernées par le devoir de vigilance d’aller au-delà de la simple conformité et de convaincre juges et parties prenantes de leur volonté de respecter l’esprit de la loi et des moyens qu’ils mettent en œuvre pour y parvenir, souligne Yann Queinnec. La contextualisation des clauses selon le secteur ou la zone géographique, est à cet égard un vrai challenge pour les entreprises. Quant à la question de la cohérence, elle peut mener au risque juridique si le donneur d’ordre montre qu’il n’avait pas créé les conditions nécessaires pour que le fournisseur puisse répondre aux clauses sociales. Le respect de ces deux critères, sera essentiel pour permettre aux juges de considérer ces clauses comme pertinentes et raisonnables."
La tâche étant très importante pour des donneurs d’ordre qui peuvent avoir des dizaines de milliers de fournisseurs, dans le monde entier, Ecovadis et affectio Mutandi recommandent de prioriser les actions et de les focaliser, dans un premier temps sur les fournisseurs stratégiques et/ou à risques. Ils promeuvent également leurs "principes du contrat durable" qu’ils entendent promouvoir auprès des co-contractants et des parties prenantes intéressées.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) L’étude "Le contrat et les clauses RSE, leviers incontournables de vigilance" avec les Principes du contrat durable est disponible ici
NB : les infographies ont été réalisées par Ecovadis -Affectio Mutandi