Publié le 26 janvier 2021
ÉCONOMIE
Souveraineté technologique : la pénurie de puces électroniques, un court-circuit pour la relance
Plusieurs constructeurs automobiles dont Volkswagen ou Audi ont dû ralentir voire fermer certaines lignes de production de véhicules à cause d'une pénurie de puces électroniques. L'Europe, ultra-dépendante de ces composants informatiques, voudrait être plus autonome en la matière. Une quinzaine d'États membres, dont la France, veulent ainsi lancer une alliance industrielle pour assurer leur souveraineté en la matière.

gorodenkoff / Istock
Ford, Toyota, Audi… Les constructeurs et équipementiers du monde entier tournent au ralenti à cause d’une pénurie de puces électroniques, essentielles à la fabrication des véhicules modernes. Ces composants sont en effet utilisés dans la gestion informatique des moteurs, contribuent aux systèmes de navigation embarqués et gèrent les fonctions d’assistance à la conduite, comme le freinage d’urgence.
Face à cette situation, le 15 janvier, une des usines Ford dans le Kentucky a été forcée de ralentir le rythme. Le constructeur rejoint ainsi Volkswagen qui avait annoncé, deux jours plus tôt, mettre à l’arrêt deux lignes de production sur son site historique de Wolfsburg en raison de la pénurie de semi-conducteurs. Toyota Motor a lui indiqué fermer ses lignes de production en Chine. Pour le monde automobile, cette pénurie est un désastre.
L'Europe détient seulement 10 % du marché des puces électroniques
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. D’abord, une explosion de la demande des semi-conducteurs par l’électronique domestique : consoles de jeux, téléphones portables, ordinateurs, etc. Les producteurs de puces électroniques, essentiellement asiatiques et américains, ont ainsi réajusté leur ligne de production, pendant le Covid-19, vers ces secteurs dont la demande a explosé. Or, les constructeurs automobiles sont arrivés trop tard. "Les pénuries de puce devraient durer jusqu’en 2021, car il faudra entre six et neuf mois aux fabricants de semi-conducteurs pour réaligner la production", prévoit même le New York Times.
La situation est telle que le dimanche 24 janvier, le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier a envoyé une lettre à son homologue taïwanais Wang Mei-hua pour qu’il fasse pression sur les principaux fournisseurs du pays comme Semiconductor Manufacturing Co Ldt (TSMC). La situation repose la question de la dépendance de l’Europe. Aujourd’hui, la zone ne détient que 10 % du marché mondial des semi-conducteurs, évalué à 440 milliards d’euros. En décembre, une quinzaine de pays de l’Union européenne, dont la France, ont ainsi annoncé vouloir créer une "future alliance industrielle" sur ce sujet alors que les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis avec des restrictions de licences d’exportations ont rendu la situation encore moins favorable à l’Europe.
Une question de souveraineté
"L'Europe a tout ce qu'il faut pour se diversifier et réduire les dépendances critiques, tout en restant ouverte", croit le commissaire européen en charge du marché intérieur, Thierry Breton. "Une approche collective peut nous aider à tirer parti de nos forces existantes et à saisir de nouvelles opportunités, car les puces de processeur avancées jouent un rôle de plus en plus important pour la stratégie industrielle et la souveraineté numérique de l'Europe", ajoute-t-il. Le but est également que la zone se différencie de ses concurrents en misant sur des puces moins énergivores.
L’Union européenne s’est en effet fixée des objectifs environnementaux ambitieux la poussant à investir dans les énergies renouvelables et la mobilité électrique. C’est également pour cette raison qu’en septembre dernier elle a créé une alliance des matières premières. Parmi les 30 matières dévoilées par Bruxelles dont l’UE est ultra-dépendante figurait ainsi le silicium, essentiel aux puces. L’Institut Montaigne, qui a récemment publié un rapport sur le sujet des semi-conducteurs, évoque même l’idée que l’Europe créé sa propre fonderie de puces alors qu’elle est obligée de faire appel soit au taïwanais TSMC soit au coréen Samsung.
Marina Fabre, @fabre_marina