Publié le 20 septembre 2022
ÉCONOMIE
Shrinkflation, cheapflation : quand les prix des produits alimentaires augmentent en toute discrétion
La guerre des prix entre la grande distribution et les industries agroalimentaire est bien connue. Mais certaines stratégies entretiennent une illusion de prix bas. Shrinkflation, cheapflation, certains industriels semblent augmenter les prix en réduisant la quantité ou en changeant d’ingrédients moins qualitatif. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a lancé une enquête pour vérifier s'il s'agit de pratiques commerciales trompeuses.

@COO
Le véritable niveau de l'inflation n'est pas toujours bien connu. Outre la très médiatique guerre des prix à laquelle se livrent les distributeurs, certaines stratégies des industriels entretiennent une illusion de prix bas. À commencer par les hausses de prix non annoncées et dénoncées notamment par l'ONG FoodWatch. Ainsi, des produits bien connus des clients conservent leurs emballages habituels, mais la quantité vendue est réduite. Cette technique dite de "shrinkflation" (du verbe anglais shrink, rétrécir) n’est pas nouvelle mais en période de forte inflation, elle est d'autant plus gênante. L’ONG qui "milite pour la transparence dans le secteur agroalimentaire" a récemment épinglé six marques "qui ont modifié la taille de leurs produits-phares ces dernières années".
Selon elle, Kiri, St Hubert, Saint Louis, Salvetat, Lindt ou encore Teisseire ont réduit la quantité de produits proposés sans modifier le format. Par exemple, les boîtes de chocolat de la marque Pyrénéens au lait de Lindt ont été amputées de six bouchées, passant de 30 à 24 et réduisant le poids global de 20 %. Résultat, le prix au kilo a bondi de 30 % depuis 2020 mais la hausse du prix de la boîte est limitée à 4 %. De son côté, Salvetat, marque de Danone, a réduit la taille de ses bouteilles d'eau de 1,25 litre à 1,15 litre ce qui lui permet d’afficher une hausse de prix contenue de 5 % alors que l' augmentation monte à 15 % rapportée au litre.
2% des aliments vendus en supermarché en "shrinkflation"
Lindt France explique que "le prix au kilogramme a augmenté, reflétant la volatilité et la hausse des coûts de (ses) opérations", selon un courrier adressé à Foodwatch. D’autres se défaussent sur les grandes surfaces : "nous ne pouvons que conseiller un prix de vente que le distributeur est libre d'appliquer ou non", écrit le service consommateurs de Danone France, mais les informations sur l'emballage sont de leur ressort.
Ces exemples sont loin d’être des cas isolés puisque près de 2 % des produits alimentaires vendus en grande surface pourraient être concernés, selon l'analyste financier John Plassard, du gestionnaire de fonds Mirabaud. C’est aussi ce qui pousse FoodWatch à alerter et mener des actions préventives au moyen d’une pétition pour demander aux "entreprises d’assumer leur changement de format", indique ainsi Camille Dorioz, responsable de la campagne pour FoodWatch.
Par ailleurs, "tant que nous n’aurons pas de mesure concrète de transparence, nous continuerons à faire du "name & shame". La pétition a réuni 20 000 signatures", souligne le militant. "Nous avons aussi suivi la réaction du patron de Système U qui a lui-aussi demandé à faire toute la lumière sur ces pratiques mais sans prendre d'engagement concret. Même Leclerc estime qu’il s’agit d’une pratique abusive. Mais maintenant nous attendons et demandons des actes concrets", martèle-t-il.
La DGCCRF surveille ces phénomènes
Un autre phénomène envahit les rayons des supermarchés, il s’agit de la "cheapflation" (de l'anglais cheap, bon marché). Il consiste à remplacer certains produits ou aliments par des substituts alimentaires ou non moins chers. Par exemple, aux États-Unis, une crème glacée est devenue "dessert glacé", car "on lui a retiré tellement de produits laitiers qu'elle ne peut plus être légalement appelée crème glacée", indique John Plassard.
Ces pratiques n’ont rien d’illégal "à condition que les fabricants indiquent les changements de manière claire sur l'emballage et que les distributeurs mentionnent en rayon l’unité de mesure (au kilo/litre)", précise la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Olivia Grégoire, la ministre délégué aux PME, au commerce et à l'artisanat, s'est également alarmé de ces pratiques et a décidé de saisir la DGCCRF. Celle-ci affirme que des contrôles "sont en cours (…). Si des pratiques commerciales trompeuses sont constatées, elles feront l’objet des suites appropriées (avertissement ou procès-verbal selon la gravité des faits)". Et la note pourrait être salée.
On ne joue pas avec le porte-feuille des Français.
J’ai demandé à la @dgccrf de mener immédiatement une série de contrôles afin de constater s’il y a des pratiques commerciales trompeuses. https://t.co/XoHHaIrj1L— Olivia Gregoire (@oliviagregoire) September 2, 2022
Mathilde Golla, @Mathgolla