Publié le 25 août 2023
ÉCONOMIE
Riz, tomates, oignons… En Inde, les prix explosent suite aux aléas climatiques
Pour enrayer l’envolée des prix de l’alimentation, entraînée par l’inflation et les impacts du changement climatique, le gouvernement indien annonce depuis quelques semaines une série de mesures visant à sécuriser le marché intérieur. Parmi elles, l’interdiction de l’exportation du riz non-basmati concentre les inquiétudes, alors que l’insécurité alimentaire mondiale persiste à un niveau important.

NOAH SEELAM / AFP
Véritable pilier de la cuisine traditionnelle et locale, l’oignon voit ses prix s’envoler en Inde. Sur les étals de marché, ils coûtent en moyenne 20% plus cher qu’il y a un an, tant et si bien que le Premier ministre du pays, Narendra Modi, a annoncé la mise en œuvre il y a quelques jours d’une taxe à l’export de 40% sur le condiment. L’objectif : favoriser le marché national et freiner l’envolée des prix, entraînée par une inflation record et une série d’aléas climatiques ayant endommagé les récoltes.
"Nous nous attendons à ce que la fin de la mousson soit irrégulière", souligne à Bloomberg l’économiste Rahul Bajoria, expliquant que "le gouvernement se concentre sur le risque de voir les prix encore augmenter dans les mois à venir". Et les oignons ne sont pas les seuls aliments concernés. Suite aux pluies torrentielles de la mousson, dont la fréquence et l’intensité sont accentuées par la crise climatique, les cultures de tomates ont elles aussi été impactées. Au mois de juillet, les prix ont bondi en moyenne de 400% poussant plusieurs enseignes comme McDonald's, Subway ou Burger King à retirer le légume de leurs recettes sur place.
Interdiction des exportations
Moins d’un mois auparavant, le gouvernement indien prenait en outre des mesures pour endiguer la hausse des prix intérieurs du riz, atteignant 11,5% en un an selon le ministère de la Consommation et de l'Alimentation. Le 20 juillet 2023, le pays, second producteur mondial, déclarait l’interdiction de l’exportation du riz Indica, après avoir mis fin à l’exportation de brisures de riz et instauré une taxe sur les exportations de riz non-basmati en 2022. Des mesures regardées avec inquiétude par de nombreux États. La décision de l’Inde pourrait en effet "exacerber l'insécurité alimentaire dans les pays fortement dépendants des importations de riz", estime la plateforme Gro Intelligence citée par l'Agence France Presse.
Les effets se font d’ailleurs déjà ressentir sur le marché international où les prix du riz thaï culminaient début août à 648 dollars la tonne, "leur plus haut niveau depuis octobre 2008" rapportent les Échos. Mais si les mesures prises par l’Inde sont en partie poussées par le calendrier politique du pays dont les élections se tiendront en 2024, elles visent également à répondre à la crainte d’une baisse des rendements engendrée par des phénomènes climatiques, notamment El Niño qui se traduit par une hausse des températures mondiales globales.
Menace pour la sécurité alimentaire
Les impacts de ce dernier, qui devraient se manifester dès la fin de l’année 2023, seront "particulièrement visibles" sur le secteur agricole "en 2024", notamment en Inde selon un rapport publié par Coface. "Le riz, qui représente 60% de la consommation domestique de céréales dans la région [du Sud-Est asiatique], est très vulnérable (…) alors que sa culture très gourmande en eau devrait souffrir de niveaux de pluviométrie", explique l’assureur-crédit. Résultat, une mise sous pression des chaînes de valeurs agroalimentaires et de très fortes tensions entre offre et demande pour le secteur sont à anticiper selon l’expert.
Des prévisions qui rejoignent les conclusions d’une étude mise en ligne début juillet dans Nature Communications. Celle-ci révèle que les effets du changement climatique sur les rendements agricoles sont actuellement sous-estimés dans les évaluations des risques climatiques. Les auteurs notent une forte probabilité de mauvaises récoltes simultanées dans plusieurs régions, pouvant conduire à la perturbation du système alimentaire mondial. Un véritable facteur d’accélération de l’insécurité alimentaire qui concernait déjà 2,4 milliards de personnes en 2022 d’après les chiffres du dernier rapport des Nations unies.