C’est un revirement assez rare pour être souligné. Didier Thévenet, le maire de La Clusaz, en Haute-Savoie, a annoncé mardi 5 septembre dans une interview au Dauphiné Libéré un "moratoire" sur la construction d’une retenue collinaire destinée en majorité à fournir de la neige artificielle pour la station de ski. Depuis des années, cette retenue d’eau fait l’objet d’une vive opposition par plusieurs collectifs parmi lesquels France Nature environnement (FNE) et Résilience Montagne.

En octobre dernier, après plusieurs manifestations dont l’installation d’une ZAD par Extinction Rebellion sur le plateau de Beauregard, le tribunal administratif de Grenoble avait suspendu au nom de l’environnement l’arrêté préfectoral autorisant le lancement des travaux. Ces derniers nécessitaient de creuser 148 000 m3. En novembre, le ministère de la Transition écologique a formé un pourvoi en cassation pour faire annuler la suspension des travaux. 

Une victoire des associations

Si le Conseil d’État doit rentre son avis dans les jours qui viennent, le jugement sur le fond de l’affaire pourrait prendre des années. D’où la décision du conseil municipal de s’opposer au lancement des travaux préliminaires. "Je ne peux pas demander aux élus d’engager la responsabilité de la commune pour un montant de 10 millions d’euros, alors que nous ne savons même pas, et à quelle échéance, nous pourrons y mettre la moindre goutte d’eau dedans", a déclaré le maire. Pour les associations, c’est un soulagement. Mais moratoire ne signifie pas abandon.

"Nous espérons que face à la réalité du dérèglement climatique et de son impact déjà réel sur notre territoire, la décision de la commune de La Clusaz sera pérennisée", a réagi FNE Haute-Savoie. Contacté par Novethic, l’adjoint au maire, David Parillat, évoque un projet "nécessaire car on a besoin d’eau. On est dans un territoire, le massif karstique, qui ne retient pas le ruissellement de l’eau", affirme-t-il. Problème : selon les opposants au projet, les deux tiers de la réserve serviront à créer de la neige artificielle, alors que celle-ci représente déjà un tiers du domaine skiable de La Clusaz. Quatre bassins sont actuellement présents pour alimenter les canons à neige. Mais avec le changement climatique, la donne a changé. 

"Le modèle du ski n’est pas tenable en l’état"

Les Alpes ont déjà perdu 36 jours de couverture neigeuse. Selon le Centre de ressources pour l’adaptation du changement climatique, la chaîne montagneuse se réchauffe beaucoup plus vite que le reste du pays :  +2°C quand la moyenne française est de +1,4 °C. Une nouvelle étude, publiée le 28 août dans la revue Nature Climate Change estime d’ailleurs qu’un tiers des stations de ski des Alpes est en péril dans un scénario de réchauffement global de +2°C. Si l’on monte à +3°C, ce sont 93 % des stations de ski de la région qui sont menacées d’extinction. Or, les auteurs insistent sur le fait que la neige de culture n’est pas une solution à long terme car elle participe elle-même au changement climatique.

"Le principal défi consiste à élaborer et à mettre en œuvre des voies de développement qui réduisent massivement les émissions globales de gaz à effet de serre du tourisme de ski, principalement dues au transport et au logement, tout en maintenant des activités durables sur le plan environnemental qui offrent des options de subsistance à un large éventail de personnes vivant dans les zones de montagne", écrit ainsi le chercheur à l’Inrae et co-auteur de l’étude Hugues François. 

Justement, un plan de diversification nommé "Vision 2050" va être dévoilé fin septembre aux habitants de la commune. "Le modèle du ski n’est pas tenable en l’état. Les temps changent, c’est sûr, aujourd’hui il faut penser à l’avenir", prévient David Parillat. "On doit maintenir cette activité de ski, peut-être pas coûte que coûte mais faire mieux, pas plus. Le domaine skiable doit s’adapter", avance l’adjoint au maire.