Publié le 07 juin 2022
ÉCONOMIE
Les activistes climatiques alertent, les orages se déchainent sans impact sur la campagne des législatives
Une jeune fille s’est enchaînée au filet de Roland Garros vendredi pour la demi-finale. La semaine précédente, un activiste a entartré la vitre qui protège la Joconde et d’autres encore avaient bloqué l’entrée de l’assemblée générale de TotalEnergies. Leur objectif commun : alerter sur l’urgence climatique. Mais la visibilité de leurs actions ne déclenche pas l’électrochoc qu’ils espèrent, pas plus que les catastrophes climatiques qui s’enchaînent, orages comme sécheresse.

@Philippe Lopez / AFP
Elle s’appelle Alizée et elle a fait 40 heures de garde à vue pour s’être enchaînée au filet du court principal pour la demi-finale du Tournoi de Roland Garros. Son message d’alerte climatique a fait le tour du monde. "Il nous reste 1028 jours", en anglais.
Le jeu a été interrompu !
L'arrivée d'une manifestante sur le court, qui s'est accrochée au filet, a obligé l'arbitre à fait entrer les joueurs aux vestiaires.
Le DIRECT : https://t.co/e2xPoVyClA pic.twitter.com/bOEP27sFRS— francetvsport (@francetvsport) June 3, 2022
Ce décompte, inscrit sur son T-Shirt, est celui du temps qui nous resterait pour lutter efficacement contre le changement climatique. Alizée appartient à un nouveau mouvement, Dernière Rénovation, qui mène des campagnes de résistance civile pour le climat. Cette spectaculaire action leur a donné un nouvel espace médiatique.
Il nous reste pic.twitter.com/neqXltAUMG
— Dernière Rénovation (@derniere_renov) June 6, 2022
Invitée de l’émission La Terre au carré sur France Inter, elle a appelé à une mobilisation massive et annoncé que les militants de son organisation reprendraient dès le week-end prochain les "actions de blocages de périphérique et d’autoroute".
65 départements touchés par les orages
Au lendemain de son action d’alerte, le ciel est tombé sur la tête des Français avec des orages d’une grande violence qui, pour la première fois depuis 20 ans, ont touché en même temps les 65 départements placés en vigilance orange. Une femme est morte à Rouen, emportée par les flots et les dégâts ont été particulièrement spectaculaires dans plusieurs régions agricoles, en particulier dans le Sud-Ouest. Les viticulteurs du Gers et des Landes annoncent avoir perdu 4 à 5000 hectares de vigne. Dans toute la France le bilan est lourd pour les cultures mais aussi pour les bâtiments. Dans l’ouest, ce sont des ponts et des routes qui se sont effondrés. L’état de catastrophe naturelle devrait être déclaré dans les jours qui viennent, département par département. Même si les épisodes climatiques extrêmes se succèdent très rapidement et handicapent lourdement l’agriculture française, les démarches d’adaptation restent limitées.
Elles sont pourtant indispensables, explique la climatologue Valérie Masson-Delmotte, dans un fil Twitter très documenté sur la fréquence probable d’épisodes de grêle comme celui de samedi. Elle précise qu’il est indispensable de mieux connaître leurs conditions de formation et leurs caractéristiques "pour mieux évaluer les risques et s’y préparer (activités agricoles, bâtiments, véhicules, panneaux solaires, forêts, oiseaux...)". Elle rappelle aussi "qu’un seul évènement sévère de grêle qui affecte une forte concentration de biens dans une région densément peuplée peut entraîner des coûts très élevés de dommages assurés (plus d'un milliard de dollars aux États-Unis, en Australie ou en Europe)".
Orages intenses, averses de grêle et réchauffement planétaire, quel est l’état des connaissances pour ?
Voici ma tentative de résumé, merci aux spécialistes de compléter!
1/... pic.twitter.com/GRQoufX6CW— Dr Valérie Masson-Delmotte (@valmasdel) June 5, 2022
Messages médiatiques et scientifiques convergent donc pour lancer encore et toujours l’alerte et mobiliser le maximum de moyens sur la lutte contre le changement climatique et l’adaptation. Ils répètent inlassablement que "le coût de l’inaction est toujours plus élevé que celui de l’action". C’est aussi le message que les activistes climatiques ont voulu faire passer aux actionnaires présents aux Assemblées Générales auxquelles ils se sont invités dans les banques, les assurances ou chez TotalEnergies.
Double discours climatique des acteurs économiques
"Nous y allons pour poser des questions précises et parce que cela permet de mettre la lumière sur les zones d’ombres de leurs engagements sur le climat", explique Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance. Elle ajoute que "la mobilisation s’élargit et permet de souligner le double discours climatique des acteurs économiques et financiers et de les mettre face à leurs responsabilités".
Signe des temps : alors que toutes ces actions sont d’essence politique, elles se déroulent dans un monde parallèle à celui des législatives qui auront lieu les 12 et 19 juin prochains. Elles seront l’épilogue d’une campagne atone où le changement climatique et ses conséquences n’auront pas été invités au débat. Le rendez-vous manqué des Présidentielles joue les prolongations. Les activistes climatiques utilisent donc d’autres méthodes que le bulletin de vote en espérant faire bouger l’opinion publique par des actions à forte visibilité médiatique.
Anne-Catherine Husson Traore, directrice générale de Novethic, @AC_HT_