C’est un monde en polycrise que décrit le célèbre Axa Future Risks Report
dans son édition 2023. Le premier assureur mondial a sondé plus de 3 500 experts en risques dans 50 pays et 20 000 personnes de 15 pays. L’enjeu est d’identifier parmi 25 risques les cinq qu’ils jugent les plus impactants pour la société dans les 5 à 10 ans à venir. Depuis 2015, le changement climatique truste ainsi la première place du classement – hormis en 2020 où
le risque pandémique lui a volé la vedette. Mais cette année, il devient pour la première fois la principale menace pour le grand public dans toutes les zones géographies étudiées.
"Phénomènes climatiques extrêmes, sécheresse, incendies, perte de biodiversité… Ces manifestations de plus en plus tangibles à l’échelle mondiale alimentent les inquiétudes et confirment l’urgence d’actions concrètes", écrit le directeur général d’Axa Thomas Buberl. Et de fait, ce qui préoccupe le plus les personnes interrogées par rapport au changement climatique sont les risques concrets liés aux épisodes météorologiques extrêmes alors que l’été 2023 a été le plus chaud jamais mesuré et que cette année pourrait également être la plus chaude de l’histoire.
Interrompre la recherche sur l’IA
Autres sujets de préoccupations majeures : la cybersécurité et, surtout les cyber-risques qui entrent pour la première fois dans le top3 du grand public. Ils sont suivis de près par l’instabilité géopolitique, aujourd’hui sur la dernière marche du podium et qui s’était hissé à la deuxième place l’année dernière suite à la guerre en Ukraine et la recrudescence des tensions au Moyen-Orient.

Mais l’enseignement le plus surprenant de cette étude réalisée par Ipsos est l’envolée des risques liés à l’intelligence artificielle et au big data qui enregistrent la plus forte progression. Ils se hissent ainsi à la 4e place du classement des experts. Ils ont enjambé 10 places en une année alors que l’émergence de l’IA générative et de
ChatGPT ont été au cœur de l’actualité. La méfiance est telle que 64% des experts et 70% du grand public estiment nécessaire d’interrompre la recherche sur l’IA et sur d’autres technologies disruptives
. "Nos sociétés dépendent de plus en plus des infrastructures numériques, ce qui les rend plus vulnérables aux cyberattaques et aux disruptions technologiques", résument les auteurs du rapport.
Des risques interconnectés, des réponses transversales
Alors que faire ? Même si le sentiment de vulnérabilité augmente et atteint un haut niveau, celui de la confiance pour limiter les conséquences des nouvelles crises mondiales est lui aussi en hausse. Pour répondre aux défis actuels et à venir, 75% des experts exigent des solutions transversales, estimant que les risques sont de plus en plus interconnectés. "Aboutir à des solutions transversales efficaces exige une coopération et une mobilisation à l’échelle internationale, ce qui ne pourra se faire sans une mobilisation proactive et une réelle collaboration avec l’ensemble de nos parties prenantes", indique George Stansfield, Directeur général adjoint et Secrétaire général du Groupe Axa.
À un mois de la COP28, cet appel à une plus forte coopération pourrait trouver un écho particulier. D’autant que le retour de bâton pourrait ralentir la mobilisation. Alors que depuis des années les entreprises craignent le greenwashing, soit le fait d’être épinglé pour avoir fait paraître des mesures environnementales ou sociales plus ambitieuses qu’elles ne le sont en réalité, c’est le greenblushing, l’éco-embarras qui pourrait bientôt prendre le dessus.
"Des entreprises évitent de communiquer sur leurs activités ESG (environnemental, social et de gouvernance, NDLR) dans l’espoir d’éviter le retour de bâton observé l’an dernier aux États-Unis, où certains États avaient décidé de se désengager de société mettant en avant leur leadership en matière ESG", lit-on dans le rapport
. "Prises en étau entre deux camps adverses, les entreprises ont parfois du mal à décider lequel, du greewashing au greenblushing, sert au mieux leurs intérêts".