La crise sanitaire s’attaque d’abord aux revenus des plus modestes. Ce qui était su intuitivement a été chiffré par une étude du Conseil d’analyse économique (CAE), le groupe de réflexion lié au Premier ministre. Le confinement a, au premier regard, eu un effet bénéfique pour l’épargne des Français, ceux-ci ayant été contraints de réduire leurs dépenses habituelles. La consommation a ainsi chuté de 6,3 % pendant la période de confinement. Les économistes du CAE estiment ainsi à près de 50 milliards d’euros le surcroît d’épargne engrangé pendant le confinement, par rapport à la tendance pré-Covid.
Mais tous les Français n’ont pas pu mettre de l’argent de côté. En réalité, selon le CAE, 20 % des ménages les plus aisés ont concentré 70 % ce surcroît d’épargne. Les ménages les plus modestes ont plutôt eu tendance à devoir s’endetter pendant la période. L’explication réside dans les modes de consommation. La consommation des ménages les plus modestes se concentre sur les biens essentiels, comme la nourriture. Celle des plus aisés se porte en plus sur des biens non essentiels, dont ils ont pu se passer au plus fort de la crise. Or l’épargne vient majoritairement de cette non-consommation de biens superflus.
Augmentation des dividendes
Le gouvernement a plusieurs fois martelé l’idée que l’épargne des Français, qui atteint des niveaux records, devait servir à relancer l’économie française. L’épargne des plus riches semble toutefois ne pas s’orienter dans cette direction. Selon le CAE, elle a plutôt servi soit à réduire leur endettement, soit a été placée sur des livrets d’épargne liquides, soit elle est tout simplement restée sur les comptes courants. Pour relancer la consommation, le Conseil suggère donc au gouvernement d’aider plutôt les ménages les moins favorisés qui ont tendance à consommer immédiatement le surplus de revenus.
Le gouvernement répond avoir débloqué 1,9 milliard d’euros d’aides aux personnes en situation de précarité depuis le début de la crise, dont 880 millions d’euros d’aide exceptionnelle à 4,1 millions de foyers en difficulté, 160 millions d’euros pour les étudiants précaires, 530 millions d’euros de revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, etc. Ces aides vont soutenir directement les personnes aux revenus les plus modestes pendant la crise. Mais les inégalités structurelles risquent de perdurer.
Ce creusement des inégalités face à l’épargne avait cependant commencé avant même la crise sanitaire. Un autre rapport, rédigé par France stratégie, fait le bilan de la réforme de la fiscalité du patrimoine décidée en 2017 (remplacement de l’ISF par un Impôt sur la Fortune Immobilière, prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur les revenus du capital). Il montre d’une part qu’en 2018, le montant total des dividendes déclarés par les ménages a fortement augmenté, passant de 14 milliards d’euros en 2017 à 23 milliards en 2018. Et d’autre part que les 0,1 % des foyers les plus riches ont touché les deux tiers de ces 23 milliards d’euros, alors qu’en 2017 ils n’avaient touché "que" la moitié des 14 milliards.
Arnaud Dumas, @ADumas5
Publié le 20 octobre 2020
Le confinement a eu des effets pervers sur les inégalités sociales. Selon le Conseil d’analyse économique, les plus aisés ont pu épargner près de 50 milliards d’euros supplémentaires, en arrêtant les dépenses superflues. Les moins riches, dont la consommation est concentrée sur les dépenses essentielles, n’ont pas épargné plus, au contraire. Pour traverser la crise, une partie a dû puiser dans leurs économies, voire s’endetter.
Découvrir gratuitement
l'univers Novethic
- 2 newsletters hebdomadaires
- Alertes quotidiennes
- Etudes