Publié le 22 septembre 2022

ÉCONOMIE

Entre sobriété choisie et sobriété subie, les entreprises s’organisent tant bien que mal

Des groupes ont dégainé leur "plan sobriété" exigé par le gouvernement pour économiser de l'énergie et permettre à la France de passer l'hiver sans coupure d'électricité. D’autres vont suspendre leur activité et subir cet état de sobriété car ils ne sont pas en mesure de faire face à l’envolée de coûts de l’énergie. Pour éviter ce scénario, près de 300 entreprises vont bénéficier d'un dispositif de soutien de l'État mais cette proportion reste faible au regard des dizaines de milliers d'industriels en difficulté qui réclament de l'aide. Les experts déplorent ainsi le choix du gouvernement d'une sobriété sans contrainte ni planification.

Arc International Company septembre 2022 fabrication verre Denis Charlet AFP
Le fabricant de verre Arc International doit réduire sa production en raison des coûts de l'énergie.
@Denis Charlet / AFP

La sobriété est sur toutes les lèvres mais les moyens déployés pour atteindre cet état ne semblent pas à la hauteur des enjeux. En effet, face à l’envolée des coûts de la facture d’énergie, des groupes sont contraints de prendre des mesures radicales. À l’image du verrier Duralex qui va réduire son activité pendant au moins quatre mois à compter de novembre. Quant à ses salariés, ils seront placés en chômage partiel. C'est en partie aussi le cas pour le groupe Arc. D'autres entreprises leur ont emboîté le pas.

À commencer par des entreprises qui relèvent des missions de services publics comme Vert Marine. Le groupe a annoncé son intention de fermer des piscines et centres aquatiques en France car l’entreprise n’est plus en mesure de payer ses factures d’énergie. Mais ces décisions provoquent un tollé, tout comme  celle de l'université de Strasbourg de fermer ses portes pendant deux semaines cet hiver compte tenu des prix de l’énergie.

Des aides inadaptées

Ces décisions de "sobriété subie" pourraient se multiplier. En effet, de nombreuses sociétés n'ont pas encore sécurisé leurs approvisionnements énergétiques pour 2023. Or, 87 % des responsables de TPE (Très petites entreprises) se disent pessimistes sur leur situation financière, selon le baromètre des TPE du Syndicat des Indépendants. Des secteurs entiers ne masquent plus leur crainte de ne pas pouvoir continuer à produire cet hiver comme les aciéries, les sidérurgies, des papetiers, des fabricants d’engrais et même les stations de ski. Ces structures demandent notamment à pouvoir bénéficier d'une aide mise en place par Bercy.

En effet, un dispositif a été déployé mais il est, pour l'instant, réservé aux entreprises de moins de 10 salariés "très consommatrices d'électricité" ou "qui n'ont pas pu renégocier leurs contrats d'électricité", précise le ministère délégué à l'Industrie. Au total, quelque 300 entreprises ont ainsi d'ores et déjà sollicité cette aide autrement nommée le "fonds Ukraine". Mais ce chiffre est bien en deçà du nombre de sociétés en difficultés. 

En plus d'être réservée à certains profils, la mesure est inadaptée, répondent les représentants des entreprises concernées comme l'Uniden (Union des entreprises utilisatrices d'énergies). En outre, le dispositif est jugé insuffisant puisque par exemple, Duralex devrait recevoir 1 à 2 millions d’euros sur 13 millions de facture d'énergie annuelle, reconnaît Roland Lescure, le ministre délégué à l'Industrie.

Des mesures de court-terme

Concernant les entreprises qui choisissent la voie de la sobriété énergique, des groupes ont dégainé leur "plan sobriété" attendu par l’État d’ici le mois d’octobre. Mais, à l’image de celui de LVMH qui repose sur l'extinction des lumières dans ses boutiques à 22h et baisser le chauffage d'un degré cet hiver, les mesures annoncées semblent rester focalisées sur le court-terme.

De son côté, Air France incite ses salariés à télétravailler trois jours par semaine pour pouvoir "fermer le siège social tous les vendredis", détaille à Europe 1 Vincent Etchebehere, directeur du développement durable de la compagnie aérienne. "Ainsi, on économise 3 000 mégawattheures par an, soit la consommation énergétique de 200 foyers en France", ajoute ce dernier. Les experts regrettent le court-termisme de ces mesures d’urgence qui ne vont pas transformer les entreprises durablement.

Face à cette situation, "on a le sentiment qu’en France, la transition énergétique n’a pas commencé. La France est incroyablement en retard. Cette culture de sobriété n’existe pas", lâche ainsi Eloi Laurent, économiste à l’OFCE, (l'Observatoire français des conjonctures économiques) sur France Inter. "Ce qu'il faut c'est organiser cette sobriété de manière collective. Ça a été demandé à la convention citoyenne pour le climat, on a les mesures et on sait comment faire. Il s'agit de la survie de notre espèce", avance de son côté la militante écologiste Camille Etienne sur France Inter.

Mathilde Golla @Mathgolla


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