Publié le 21 septembre 2023
ÉCONOMIE
Écoles, hôpitaux, aéroports : un béton bon marché menace d’effondrement des milliers de bâtiments au Royaume-Uni
Il n'y a pas que les engagements climatiques du Royaume-Uni qui se fissurent. Le pays se trouve embourbé depuis la fin du mois d'août dans l'affaire du "béton défectueux". Le Raac, un matériau bon marché largement utilisé dans les années 50 à 90 outre-Manche dans la construction de bâtiments publics, menace d'effondrement des écoles mais aussi des hôpitaux, des tribunaux, et même les deux plus grands aéroports britanniques.

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150 écoles fermées pour risque d’effondrement, on aurait pu rêver meilleure rentrée. Fin août, le gouvernement britannique a été forcée de prendre cette décision. Dans une circulaire, il a demandé à "libérer les espaces ou les bâtiments" qui contiennent du Raac (béton cellulaire armé autoclavé), un béton poreux bon marché massivement utilisé pour la construction de bâtiments publics au Royaume-Uni et dans d’autres pays d’Europe. Des milliers d'élèves ont ainsi été privés de classe au retour des vacances. Le Raac représente "le plus grand risque pour la sécurité dans l'ensemble du domaine scolaire", a conclu un audit mené par le ministère.
Les dernières données indiquent que ce sont désormais 174 écoles qui sont concernées, une seule étant entièrement fermée, et 23 autres alternant entre cours en présentiel et à distance. Mais outre les écoles, dont beaucoup font encore l’objet d’investigations, ce sont des hôpitaux, des tribunaux, des commissariats et mêmes les deux plus grands aéroports britanniques qui menacent de s’effondrer. "Les patients obèses doivent être traités au rez-de-chaussée, car leur poids combiné à celui des équipements est trop lourd pour être sécurisé", relate la députée travailliste Meg Hillier auprès du Times.
Un effondrement dans une école primaire en 2018
Le Raac, alternative plus légère que le béton traditionnel, a été utilisée dans des milliers de bâtiments publics britanniques entre les années 1950 et 1990. Dès 1996 puis de nouveau en 2002, le Building Research establishment (BRE) du Royaume-Uni, une agence exécutive du gouvernement, publie un document mettant en garde contre "des déformations et des fissures excessives" liées à ce matériau, dont la durée de vie est estimée à trente ans. Mais ce n’est qu’en juillet 2018 que l’ampleur des risques se manifeste concrètement avec l’effondrement du toit d’une école primaire. Heureusement, cela s'est produit pendant un week-end, ne faisant aucun blessé.
Toutefois, malgré cet accident et de nombreux rapports d’experts qui se sont succédé pour alerter sur la situation, aucun plan concret n’est mis en place et la rénovation des établissements – scolaires notamment – retardée. "Il est inacceptable que nous soyons dans une telle situation. Un programme de rénovation et de construction d’écoles de qualité aurait dû être planifié depuis des années", a fustigé la commissaire pour les droits de l’enfant en Angleterre, Rachel de Souza. En 2021-2022, les dépenses en capital du ministère de l’Éducation s’élevaient à environ 4,9 milliards de livres sterling, le niveau le plus bas enregistré depuis 2009-2010, période qui marque l’arrivée au pouvoir des conservateurs.
"Broken Britain"
Du pain béni pour l’opposition à un an des élections législatives. Elle fustige les politiques d’austérité mises en place par les conservateurs depuis 13 ans. "La rentrée scolaire de certains enfants sera retardée parce que leurs écoles s’effondrent littéralement. Ce gouvernement inefficace a ignoré les alertes", a ainsi accusé le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer sur X (ex-Twitter). "Nous dépenserons autant que nécessaire pour nous assurer que les enfants puissent aller à l’école en sécurité, et les parents peuvent être certains que nous ne prendrons aucun risque avec la sécurité des enfants", a réagi le ministre des Finances, Jeremy Hunt, sur la BBC.
Malgré ces promesses, l’affaire du "béton défectueux" risque de renforcer le sentiment de "broken Britain " (Grande-Bretagne brisée) qui gagne de plus en plus les Britanniques. Depuis un an, les mobilisations se succèdent pour demander une hausse des salaires, protester contre la hausse du coût de la vie et la dégradation des services publics. Enseignants, cheminots, postiers, médecins, infirmiers, ils multiplient les grèves pour faire plier le gouvernement qui se montre toujours réticent à des hausses de salaires.