Publié le 16 août 2023
ÉCONOMIE
Les assureurs, victimes ou "pompiers pyromanes" du changement climatique, encaissent les pertes des catastrophes naturelles
Le premier semestre 2023 s'avère dévastateur en termes d’événements climatiques extrêmes. Selon Swiss Re, le coût des catastrophes naturelles a atteint 120 milliards de dollars dans le monde, dont 50 milliards de coûts assurés. Pour le réassureur, des efforts d’adaptation au changement climatique doivent être faits. Mais l’ONG Reclaim finance pointe un double discours du secteur, qui continue de financer des projets d’énergies fossiles.

@Andres Solaro / AFP
Orages violents aux États-Unis, inondations dans la région italienne d’Émilie-Romagne ou encore en Nouvelle-Zélande… les événements climatiques d’ampleur se sont encore multipliés au premier semestre 2023, principalement en raison du changement climatique. En tout, les pertes économiques totales liées à ces catastrophes naturelles s’élèvent à 120 milliards de dollars dans le monde, un chiffre légèrement inférieur à celui du premier semestre 2022 (153 milliards de dollars), mais supérieur de 46% par rapport à la moyenne des dix dernières années.
Sur cette somme, 50 milliards de dollars étaient assurées, en progression de 54% par rapport à la moyenne sur dix ans, soit une tendance d’augmentation annuelle comprise entre 5 et 7% selon l’institut Swiss Re. Un chiffre qui commence à donner des sueurs froides aux entreprises d’assurance, chargées de verser les indemnisations, et de réassurance, dont le métier est d’assurer les assureurs. Rien qu’aux États-Unis, les violents orages qui ont notamment touché le Texas, ont engendré quelque 34 milliards de dollars de pertes assurées, soit près des deux tiers des pertes mondiales.
Investir dans l’adaptation
La raison tient notamment au développement urbain dans des zones à risques, telles que les côtes ou les bords des fleuves, ou encore à l’artificialisation des sols qui amplifient des phénomènes comme les inondations en cas de fortes pluies. L’augmentation de ces pertes menace directement les résultats du secteur de l’assurance. Certaines compagnies ont ainsi décidé de ne plus assurer les habitations dans certains États américains, en raison du trop grand risque d’incendie, quand d’autres choisissent d’augmenter les tarifs. "Des mesures de protection doivent être prises pour que les polices d’assurance restent adaptées à ces zones risquées, déclare de son côté Jérôme Jean Haegeli, économiste en chef du groupe Swiss Re, dans un communiqué. Il est grand temps d’investir dans une plus grande adaptation au changement climatique."
Mais pour l’ONG Reclaim Finance, le discours des assureurs passe mal, ceux-ci étant qualifiés de "pompiers pyromanes". "Au lieu d’augmenter le prix de leurs couvertures dans les zones à risques, comme, Axa, les assureurs feraient mieux d’arrêter de soutenir les entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles qui alimentent le risque de catastrophes naturelles", tranche Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne assurance chez Reclaim finance.
Des trous dans la raquette des engagements des assureurs
L’adaptation des infrastructures au nouveau paradigme climatique ne peut en effet être efficace qu’à condition que des mesures d’atténuation du changement climatique soient mises en place au préalable. Les entreprises du secteur de l’assurance ont été parmi les premières à prendre des engagements pour réduire la place des énergies fossiles dans leurs portefeuilles d’investissement, d’abord en excluant le charbon. Elles ont également commencé à étendre leurs exclusions sur leur activité principale de souscription d’assurance. Une dizaine de sociétés, comme Allianz, Aviva, Generali, Munich Re, etc., se sont ainsi engagées à ne plus assurer les nouveaux champs pétroliers et gaziers. En France, Scor et Axa ont également cette année annoncé leur intention de ne plus assurer ces nouveaux projets, sauf si l’opérateur présente une stratégie de transition cohérente. Une condition qui ne convainc pas Reclaim finance, selon qui tout nouveau projet d’expansion devrait être banni.
Les assureurs font l’objet de pressions intenses de la part des industriels des énergies fossiles pour qu’ils ne prennent pas de tels engagements. L’alliance mondiale des assureurs pour la neutralité carbone (Net zero insurance alliance, NZIA) a ainsi vu une grande partie de ses membres quitter le navire ces derniers mois, par crainte d’être attaqués pour entente sur la base des lois sur la concurrence. Une crainte infondée pour plusieurs observateurs, mais dont les effets se révèlent bien concrets.