Publié le 20 septembre 2023
ÉCONOMIE
Un mouvement de grève inédit s'étend chez les salariés des constructeurs automobiles américains
Frappés par la hausse du coût de la vie, les salariés des trois grands constructeurs automobiles américains ont lancé un vaste mouvement de grève aux États-Unis pour obtenir des augmentations de salaire. L’UAW, le syndicat de l’industrie automobile, demande une augmentation de 40% sur quatre ans, la même que celle perçue par les dirigeants de ces grands groupes, parmi les mieux payés au monde.

@Matthew Hatcher / AFP
Les constructeurs américains font face à un mouvement social d’ampleur aux États-Unis. Le United auto workers (UAW), le syndicat des salariés de l’industrie automobile, a déclenché vendredi 15 septembre un mouvement de grève dans trois usines du nord des États-Unis. Une pour chacun des "Big Three", le surnom des trois grands constructeurs automobiles américains, Ford, General Motors et Chrysler (Stellantis). Près de 13 000 salariés sont concernés. Le syndicat avait ouvert il y a plusieurs semaines des négociations avec les trois entreprises afin de demander une importante revalorisation des salaires, après une année 2022 de profits très élevés pour les constructeurs. Le syndicat a fixé un ultimatum vendredi 22 septembre à midi pour trouver un accord, après quoi la grève sera étendue à d’autres salariés.
La demande de l’UAW est ambitieuse. Le syndicat veut voir les salaires des trois entreprises augmenter de 40% sur les quatre prochaines années, ainsi que des améliorations des assurances retraite et santé. Les constructeurs, après un week-end de grève, ont chacun à leur tour proposé une augmentation de 21%. "C’est définitivement non. Et nous l’avons fait comprendre clairement aux entreprises", a tranché dimanche Shawn Fain, le président de l’UAW, dans l’émission "Face the nation" (face à la nation) de la chaîne CBS. Il explique : "La raison pour laquelle nous avons demandé 40% d’augmentation, c’est parce qu’au cours des quatre dernières années, la rémunération des dirigeants a augmenté de 40%".
Une course à la réduction des coûts salariaux
En exposant cet argument, le syndicaliste pointe du doigt la course à la réduction des coûts salariaux, à laquelle se livrent les constructeurs automobiles depuis plusieurs années. Ford estime ainsi que la demande d’augmentation de l’UAW risquerait de doubler le coût du travail dans sa production automobile. D’autant que les constructeurs non américains installés aux États-Unis, ou encore le spécialiste du véhicule électrique Tesla, n’emploient pas de main d’œuvre syndiqués et peuvent donc payer moins cher leurs employés. Le dirigeant de l’UAW remarque pourtant que le coût du travail ne représente que 5% du coût d’un véhicule et déplore que les Big Three veulent "se comparer à la manière pitoyable dont Tesla et les autres entreprises paient leurs salariés".
D’autant que cette course met sous tension le niveau de vie des ouvriers fortement impacté par l’inflation de ces dernières années. Selon l’Economic policy institute, un groupe de réflexion américain, le salaire horaire réel des ouvriers automobiles a baissé de 19,3% depuis la crise de 2008, quand les constructeurs ont failli mettre la clef sous la porte et que des dispositifs d’ajustement des salaires au coût de la vie ont été supprimés. Cette baisse des rémunérations n’atteint cependant pas les plus hauts dirigeants du groupe.
Pour une transition juste vers le véhicule électrique
Mary Barra, directrice générale de General Motors, a ainsi perçu une rémunération de 29 millions de dollars en 2022, ce qui représentait une augmentation de 34% par rapport à l’année précédente. L’ONG As you sow, qui étudie chaque année la rémunération des patrons américains, remarque que les dirigeants de Ford et General Motors sont les mieux payés au monde dans l’industrie automobile, Mary Barra se situant largement en tête. "92% de ma rémunération est basée sur la performance de l’entreprise", se justifie-t-elle sur CNN, en assurant que les dispositifs de partage de la valeur pour les salariés sont suffisants.
Un autre risque plane sur les salariés de l’industrie automobile américaine, celui de l’électrification des véhicules. Jim Farley, le directeur général de Ford, a déclaré en novembre 2022 que la production de véhicules électriques nécessiterait 40% de main d’œuvre en moins par rapport aux voitures à moteur thermique. Face aux subventions massives déployées par le ministère américain de l’énergie pour accélérer la transition vers l’électrique, représentant plus de 15 milliards de dollars, l’UAW a prévenu que "cette transition devait être juste et s’assurer que les salariés de l’industrie automobile aient leur place dans la nouvelle économie".
Le syndicat a déjà déclaré conditionner son soutien au candidat à l’élection présidentielle de 2024 aux actions en faveur des ouvriers automobile. Joe Biden, qui devrait briguer un second mandat, a exprimé son soutien aux grévistes et demandé aux constructeurs de mieux partager leurs profits.