Publié le 28 septembre 2023
ÉCONOMIE
Risque climatique : 39 millions d'habitations aux États-Unis menacées de perdre leur assurance
Face aux risques climatiques, des millions d'Américains ne trouvent déjà plus d'assureurs privés. En cause, des coûts devenus exorbitants et l'abandon par les assureurs de certaines zones. Or selon un rapport de la First Street Foundation, cette situation pourrait s'aggraver. 39 millions d'habitations, soit près d'un quart du pays, ne paient pas encore le coût des risques actuels.

@David Mcnew / GETTY IMAGES NORTH AMERICA
Incendie meurtrier sur l'île d'Hawaï, inondations dévastatrices en Californie, ouragan Ian en Floride... Les catastrophes climatiques prennent de l'ampleur aux États-Unis sous l'effet du changement climatique. Les coûts de reconstruction annuels ont triplé ces cinq dernières années par rapport aux 42 précédentes, selon le National Centers for Environmental Information, une agence gouvernementale. Les assureurs abandonnent certains lieux ou font grimper les primes d'assurance à des montants que les particuliers ne peuvent plus suivre.
Le phénomène pourrait s'aggraver selon un rapport intitulé "9e évaluation nationale des risques : la bulle de l'assurance climatique", publié mercredi 20 septembre par First Street Foundation, un institut de recherche à but non lucratif qui utilise des modèles scientifiques validés par les pairs. Celui-ci a calculé que le prix des assurances pour 39 millions de propriétés, autour d'un quart de l'ensemble du pays, ne reflète pas encore l'augmentation actuelle des catastrophes climatiques telles que les inondations, tempêtes et incendies.
"Des augmentations massives de primes d'assurance"
Les États les plus concernés sont la Californie, la Floride et la Louisiane. 24 millions d'habitations présentent un risque majeur de tempêtes destructrices. 12 millions sont à risque d'inondation, pour la plupart sous les radars du gouvernement, et 4,4 millions sont situées dans des zones où les risques d'incendies sont particulièrement élevés. First Street Foundation souligne le coût majeur des feux passé de 1 milliard de dollars en 2016 à 17 milliards en 2021. L'institut rend disponible une carte des risques sur le site internet "Risk Factor".
"Certains endroits seront très peu impactés, mais d'autres pourraient voir des augmentations massives des primes d'assurance", a précisé Jeremy Porter, responsable des impacts climatiques chez First Street Foundation, à l'agence Associated Press. Un constat alarmant alors que les coûts ont déjà explosé dans certains lieux.
Jen Goodlin, ancienne dentiste aujourd'hui directrice de l'association "Rebuild Paradise" dédiée à la reconstruction du Comté de Butte, dévasté par des feux en 2018, en subit les conséquences. Elle a témoigné auprès de l'agence Associated Press que sa facture d'assurance annuelle est passée de 2 500 dollars à 11 245 dollars entre 2022 et 2023. "Notre agent d'assurance nous a dit de nous estimer heureux qu'ils ne nous aient pas laissé tomber. J'ai répondu qu'ils m'ont déjà laissé tomber", confie-t-elle.
Seule solution, la protection de l'État
Jen Goodlin a entamé des procédures pour passer au plan d'assurance "FAIR" proposé par l'État. Celui-ci est destiné à ceux qui voient leurs assureurs se désinvestir ou demander des primes trop élevées. En Floride, ces polices d'assurance citoyennes, aussi appelées "assurances de dernier ressort", sont le premier assureur. Elles ont augmenté de 168%, passant de 500 000 à 1,3 millions d'assurés, selon First Street Foundation.
"La dépendance excessive des propriétaires à l'égard des assureurs de dernier ressort gérés par l'État est un signe évident que les pratiques standard du marché de l'assurance ne peuvent pas suivre la réalité climatique actuelle, a déclaré Matthew Eby, fondateur de First Street Foundation. Nous nous dirigeons rapidement vers un point où le coût de l'assurance rendra les maisons les plus à risque effectivement non assurables". Actuellement dans le pays, 6,76 millions d'habitations sont déjà refusées par les assureurs.
En Californie, l'assureur State Farm, le plus important assureur de biens de l'État, a suspendu les nouveaux contrats. L'assureur Allstate a fait de même. D'autres pays du monde voient reculer l'accès aux assurances. En Australie, un foyer sur 25 pourrait devenir inassurable d'ici 2030. En France, des collectivités font déjà face au refus de certains assureurs. "Le risque que l'on n'ait pas d'assurance aujourd'hui est sans doute plus fort que notre capacité hier de négociation", a assuré à l'AFP Samuel Mieze, directeur général des services de la communauté d'agglomération du pays de Saint-Omer (Nord-pas-de-Calais).