C’était en 2006. Sabine Grataloup, enceinte, épand du Glyper, un générique du Roundup de Monsanto dont le principal agent actif est le glyphosate, dans le manège de son centre équestre. "J’ai passé du glyphosate sur 700m2 exactement au moment où se formaient l’œsophage et la trachée. C’est un moment très, très précis à la fin du premier mois de grossesse", indiquait-elle dans un Envoyé spécial dédié au pesticide. Quelques mois plus tard, Théo naît avec une grave malformation de la trachée et de l’œsophage. Pendant des années, la famille Grataloup s’est battue pour faire reconnaître le lien entre l’exposition au glyphosate de Sabine et la malformation de son fils Théo, qui, à 11 ans, avait déjà subi plus de 50 interventions chirurgicales. Et le combat vient de porter ses fruits.
"Un comité d’experts du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides a reconnu officiellement comme probable le lien entre le glyphosate et les malformations de Théo, écrit dans un tweet Sabine Grataloup. C’est à ma connaissance une première mondiale".
1/n – Victoire, des années de combat enfin reconnues !
Un comité d’experts du Fonds d’Indemnisation des Victimes des Pesticides a reconnu officiellement comme probable le lien entre le #glyphosate et les malformations de Théo.
C’est à ma connaissance une première mondiale. pic.twitter.com/C31ww31Ozn
— Sabine Grataloup (@sabine_38) October 9, 2023
L’information date du 10 mars 2022 mais elle a été tenue confidentielle par la famille -Theo Grataloup lui-même n’a été informé que récemment. La cause : le harcèlement subi sur les réseaux sociaux par la famille qui a médiatisé l’affaire. Car au-delà de l’indemnisation de 1000 euros par mois, les Grataloup ont assigné en justice en 2018 Novajardin, propriétaire du Glyper, et Monsanto -racheté par Bayer en 2016- fournisseur du glyphosate. Depuis, ils sont la cible des "haters" sur Twitter.
"La famille Grataloup a un poids politique important"
Si Sabine Grataloup a décidé de briser le silence le 9 octobre, c’est que la Commission européenne va proposer dans quelques jours de renouveler pour 10 ans la licence du glyphosate au sein de l’Union européenne. Dans une vidéo diffusée par le média Vakita, Théo Grataloup exhorte Emmanuel Macron à s’opposer à cette réautorisation. "Je vous le demande : quand comptez-vous tenir vos promesses ?", interroge-t-il. Et de fait, en 2017, le Président alors candidat avait promis d’interdire le glyphosate en France sous trois ans… avant de faire machine arrière.
RÉVÉLATIONS VAKITA !
Théo, 16 ans, vient d’apprendre que sa pathologie est en lien probable avec le glyphosate que sa maman utilisait lorsqu’elle était enceinte de lui. Il lance un appel à @EmmanuelMacron
Le reportage d’@A2lan_H est à retrouver sur https://t.co/1Np9gevDes pic.twitter.com/6IDLWT7U9A
— Vakita (@vakitamedia) October 9, 2023
"Comment le Président, la Première ministre, le ministre de l’Environnement, le ministre de l’Agriculture, peuvent regarder cette famille dans les yeux et réautoriser le glyphosate ?", questionne auprès de Novethic François Veillerette, cofondateur de l’association Générations futures. "La décision du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides n’aura pas d’impact législatif mais la famille Grataloup a un poids politique important, elle peut faire pencher la balance".
Les ONG suspendues à la position de la France
La France a déjà indiqué qu’elle considérait le délai de réautorisation de 10 ans trop long et qu’elle voulait l’assortir de restrictions d’usage. Son but est que la législation européenne soit la plus proche possible de la législation française. "Si la France obtient ces mentions, on peut avoir une mauvaise surprise de sa part et qu’elle devienne favorable à un délai de 10 ans", alerte François Veillerette. Selon une information du média Contexte, le gouvernement français devrait proposer une réautorisation du glyphosate pour 7 ans.
Pour que la proposition de la Commission soit adoptée il est nécessaire d’obtenir une majorité qualifiée, représentant au moins 65% de la population européenne des 27 États membres. L’Allemagne ayant déjà indiqué s’opposer à la proposition de la Commission, c’est la position de la France qui sera centrale.
Reste que sans consensus, la Commission pourra repousser le vote jusqu’au 15 décembre, date à laquelle la licence du glyphosate dans l’UE arrive à échéance. Si elle n’obtient toujours pas de majorité qualifiée, elle pourrait passer par un comité d’appel, qui, après toutes les voies de médiation épuisées, nécessitera une adoption à la majorité simple. Pour faire pression sur le gouvernement français, Générations futures a ainsi lancé une pétition et une campagne d’interpellations qui visent les ministres concernés.