Publié le 20 décembre 2023
Alors que la loi immigration, une "victoire idéologique" selon Marine Le Pen, a été adoptée hier soir par les Parlementaires, le milieu économique n'est sorti du bois que tardivement pour défendre les secteurs en pénurie de main d’œuvre. Résultat, la régularisation automatique des travailleurs sans-papier a sauté. Quant aux étudiants étrangers, également ciblés, les mesures sont très décriées. Les directeurs des grandes écoles et universités ont dénoncé des conditions "indignes". 

C’est une version durcie du projet de loi sur l’immigration qui a été définitivement adoptée par les parlementaires mardi 19 décembre avec 349 votes pour et 186 contre. Alors que Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, a revendiqué une "victoire idéologique", le ministre de la santé et ancien directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne, Aurélien Rousseau, a présenté sa démission. Il faut dire que le texte, adopté avec l’appui des voix du RN, a créé un profond malaise dans le camp présidentiel et chez les députés macronistes. Mais pas seulement. Car derrière cette bataille politique, le milieu économique est resté assez silencieux, craignant de se positionner dans un débat si clivant. 
Le Medef est seulement sorti du bois le matin même de l’adoption du texte. "Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie", a ainsi revendiqué le président du Medef, Patrick Martin sur Radio Classique. "D’ici à 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social et notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers", a-t-il poursuivi. Le patron des grandes entreprises a également qualifié d’"extrêmement désolant" le fait que son syndicat n’ait pas été consulté par les partis politiques. De fait, c’est le sort de milliers de travailleurs immigrés, largement présents en France, qui est en jeu.

Recul la régularisation des travailleurs sans papier 


Selon un rapport de la Dares, les travailleurs immigrés représentent aujourd’hui 10% de l’emploi. Dans le détail, ils occupent ainsi 40% des emplois du secteur des employés de maison ou encore 29% des agents de gardiennage et de sécurité. L’Île-de-France est le département qui emploie le plus de personnes immigrées avec 61% des emplois dans les aides à domiciles et aides ménagères, 60% des ouvriers du BTP ou encore 50% des cuisiniers. Pour répondre à ce besoin, le gouvernement a voulu faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers en permettant que leur titre de séjour soit automatiquement attribué à partir de 8 mois de travail. 
Cet article de la loi a été seulement soutenu publiquement par une petite poignée de grosses fédérations concernées comme l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) et son célèbre président, le chef étoilé Thierry Marx, ou encore la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem). Jusqu’au 19 décembre, le plus gros syndicat, celui du Medef, ne s’était pas positionné. De quoi donner du grain à moudre à l’opposition. Car la loi votée hier a fermé la petite ouverture voulue par le gouvernement. Le titre de séjour sera finalement délivré "au cas par cas" par les préfets au bout de 12 mois de travail. 

Un texte qui "met en péril le redressement industriel" de la France 


Outre les travailleurs, les étudiants étrangers sont également dans le viseur. La loi exige d’eux le dépôt d’une caution, la majoration des frais de scolarité ou encore le contrôle de leur assiduité. "Ce texte nous pousse à faire un choix sur l’apport de talents", ont ainsi dénoncé les dirigeants de l’ESSEC, ESCP et HEC Paris dans une tribune. Une vingtaine de présidents de grandes universités publiques ont également réagi dans un communiqué : "Ces mesures indignes de notre pays mettent (…) gravement en danger la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française, et nuisent à l’ambition de faire de notre pays un acteur majeur de la diplomatie scientifique et culturelle internationale".
Même chose pour la Conférence des Directeurs des écoles françaises d’ingénieurs pour qui la loi immigration réduit la compétitivité de la France et met en péril son redressement industriel. "La CDEFI rappelle que la France manque de 15 000 ingénieurs diplômés par an, pour faire face aux défis de la transition écologique et de la réindustrialisation soutenable", lit-on dans le communiqué. Or ce texte "prive la France d’un réel vivier de talents", ajoutent-ils rappelant que le plan "Bienvenue en France" de 2019 prévoyait l’accueil de 500 000 étrangers par an à horizon 2027.
Marina Fabre Soundron

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