Publié le 10 janvier 2024
Une victoire en demi-teinte. Par 80 voix contre 20, le parlement norvégien a autorisé l’exploration minière des fonds marins en mer Arctique, mardi 9 janvier. Quant à leur exploitation, ce n’est pas encore à l’ordre du jour, ce que saluent les défenseurs de l’environnement mobilisés depuis plusieurs jours.

Grâce à la mobilisation nationale et internationale et une pétition signée par près de 600 000 personnes à travers le monde, les députés norvégiens ont suspendu mardi 9 janvier l’exploitation des fonds marins en mer Arctique, mais ont toutefois autorisé leur exploration. L’objectif est de rechercher des métaux précieux et des terres rares, essentiels à la transition énergétique et aux technologies "vertes", comme les batteries des voitures électriques ou les panneaux solaires.
Selon une estimation du directoire du pétrole à Oslo, la zone qui sera étudiée entre la mer de Barents et l’archipel du Svalbard, soit 280 000 kilomètres de fonds marins (l’équivalent de la moitié de la superficie de la France) pourrait contenir jusqu’à 45 millions de tonnes de zinc, 38 millions de tonnes de cuivre, ainsi que d’importantes quantités d’autres métaux et terres rares.

"On a sauvé les meubles et gagné du temps"


Faut-il réellement se réjouir de cette décision ? Pour certains défenseurs de l’environnement, il ne s’agit en effet que d’ "une victoire d’étape" contre cette "nouvelle industrie mortifère pour le climat et la biodiversité", comme l’a indiqué à nos confrères de Libération la militante française Camille Étienne. À terme, ce pays nordique pourrait devenir le premier pays au monde à ouvrir ses fonds marins à l’exploitation minière commerciale.
Mais avant d’en arriver là, ces missions de prospection devront déterminer si oui ou non ces gisements peuvent être extraits de manière rentable et "durable". Et en cas seulement d’exploration concluante, les plans d’extraction seront une nouvelle fois soumis à l’examen au Parlement. 
"On a sauvé les meubles et gagné du temps, note Camille Étienne. Toutefois, si l’exploration a un impact sur l’environnement bien moindre, son lancement envoie un message terrible à la communauté internationale". En effet, "la Norvège risque de créer un précédent qui permettra à d’autres pays de faire de même", prévient de son côté Frode Pleym, directeur de la branche norvégienne de Greenpeace.

L’exploitation minière des fonds marins, un sujet sensible


Surtout que la question de l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales pour couvrir nos besoins en nickel, manganèse, cobalt, cuivre, plomb, … se fait de plus en plus pressante. Depuis deux ans, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui doit fournir un code minier, est tiraillée entre deux camps. Le premier, avec à sa tête l’île de Nauru, au nord de l’Australie, veut exploiter les eaux profondes de la Zone de Clarion-Clipperton (ZCC) en plein cœur du Pacifique entre Hawaï et le Mexique, très riche en métaux. Pour ce faire, cet État insulaire a déclenché en 2021 la clause "des deux ans", inscrite dans le droit marin, contraignant l’AIFM à fournir un code minier d’ici 2023.
"Ce délai étant désormais dépassé, (…) tout État peut déposer une demande d’exploitation minière, même en l’absence de réglementation", rappelle à RFI Klaudija Cremers, chercheuse à l’Institut du développement durable et des relations internationales. Cet été, ce petit pays du pacifique a assuré qu’il solliciterait "bientôt" un contrat pour Nori (Nauru Ocean Resources), filiale du canadien The Metals Company afin de récolter des "nodules polymétalliques" (cailloux renfermant les minerais, NDLR) dans la ZCC.  


De l’autre côté, une vingtaine de pays, dont la France, se sont exprimés contre toute exploitation et ont réclamé une "pause de précaution" ou un moratoire sur le sujet. Pour le secrétaire d’État français à la Mer, Hervé Berville, "notre responsabilité est immense et aucun d’entre nous (…) ne pourra dire qu’il ignorait l’effondrement de la biodiversité marine, l’élévation du niveau de la mer ou encore l’augmentation brutale de la température des océans". Faute d’être parvenue à un consensus cet été, l’AIFM s’est à nouveau laissée deux ans pour trouver un accord autour ce code minier.
Blandine Garot

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