Ce n’est pas une déflagration mais ce sont des petits signes qui montrent bien un enlisement. Ce 10 juillet, trois jours après les élections législatives, la Bourse de Paris n’a toujours pas réussi à rebondir après deux séances où elle a souffert des incertitudes politiques au point de revenir à ses plus bas niveaux depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. La performance annuelle du CAC 40 est même redevenue négative (-0,45%).
Dans un premier temps, lundi 8 juillet, lendemain du second tour des législatives, les marchés ont accueilli les résultats avec soulagement. Le “scénario du moins pire” c’est-à-dire ni de majorité absolue pour le Rassemblement national ni pour le Nouveau front populaire (NFP), a remporté les suffrages. Mais il reste aujourd’hui une tendance inquiétante : l’incertitude politique.
Les agences de notation en alerte rouge
Le NFP a obtenu le plus de sièges à l’Assemblée nationale (182) et une négociation entre LFI, EELV, le PS et le PC a lieu depuis plusieurs jours pour proposer le nom du ou de la future première ministre, sans toutefois de certitude sur le fait qu’Emmanuel Macron suivra ce choix. Car tout n’est pas aussi limpide. A droite et au centre, plusieurs voix s’élèvent pour créer une alliance, sans LFI. Quant à l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal, sa démission a été refusée par le Président de la République. Il gère donc les affaires courantes, mais jusqu’à quand ? “Comment gouverner avec une Assemblée si divisée, et sur quel programme ?“, s’inquiète Bruno Cavalier, économiste chez Oddo BHF.
Pour les agences de notation, c’en est trop. Moody’s a prévenu le 9 juillet que l’abrogation de la réforme des retraites, mesure portée par le NFP, et une baisse de la volonté gouvernementale de faire des économies pourraient avoir un impact négatif sur la notation de la France, et souligné les “difficultés” à venir dans le vote des lois. La veille au soir, l’agence S&P Global qui avait déjà dégradé la note de la France à AA- en mai dernier, a prévenu que la note de crédit de la France serait “sous pression” si le pays “ne (parvenait) pas à réduire son important déficit public”. L’incertitude est d’autant plus difficile à gérer pour les agences que la France doit présenter à Bruxelles en septembre son plan de réduction des déficits.
Le patronat inquiet
Quant aux entreprises, elles partagent l’inquiétude des marchés. Patrick Martin, président du Medef, a sorti les armes le 9 juillet dans une interview aux Echos en estimant que la mise en œuvre du programme du NFP serait “fatale” pour l’économie française. “On a l’impression que le débat politique s’est affranchi des réalités économiques, beaucoup de responsables ne parlant que d’augmentations de dépenses et d’impôts”, juge le dirigeant de la première organisation patronale française dans une interview publiée sur le site du journal Les Échos. “Or, la réalité nous rattrape toujours”, met-il aussitôt en garde.
La CPME redoute, au pire, la survenue d’un “scénario à la grecque”, Athènes ayant dépendu financièrement de sévères programmes mis en place par ses créanciers dans les années 2010. “Nous appelons à un sursaut des républicains et démocrates, pour qu’ils essaient de trouver des majorités de projets”, a demandé Michel Picon, président de l’U2P (entreprises de proximité) jugeant que les partenaires sociaux, patrons et syndicats, en parvenant souvent à surmonter leurs divergences initiales, “montrent la voie depuis des années”. Même appel, pour éviter “l’inertie”, à une “culture du compromis, du consensus”, de la part d’Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES).