Publié le 15 mars 2018
ENTREPRISES RESPONSABLES
Rachetée par ISS, l’agence de notation ESG allemande Oekom passe sous pavillon américain
Dans le petit monde de la notation ESG (Environnementale, Sociale et de Gouvernance), l’annonce du rachat d’Oekom par l’Américain ISS fait l’effet d’un coup de tonnerre. Oekom va, certes, avoir les moyens de faire face à une concurrence de plus en plus rude. Mais l’Europe perd une de ses rares championnes. Or les gros joueurs de la notation dite extra-financière sont tous nord-américains (MSCI, Sustainalytics ou les agences de notations financières traditionnelles qui commencent à offrir ce type de services).

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"Je me félicite qu’Oekom Research rejoigne ISS" explique Robert Hassler, dirigeant fondateur de l’agence de notation allemande fondée en 1993 à Münich. Il ajoute : "Nous partageons le même objectif qui est d’apporter aux investisseurs institutionnels une notation ESG globale de haut niveau. La qualité et la gestion de ces données, de plus en plus complexes, sont des critères décisifs pour l’avenir de la recherche en investissement responsable."
L’essor de la finance durable s’est accéléré avec l’engagement de la Commission européenne et son plan d’action publié début mars. Il crée une nouvelle demande, mais accroît aussi la compétition entre des acteurs qui ne "boxent pas dans les mêmes catégories".
Rester dans le jeu face aux poids lourds
Pouvoir faire face à des géants comme MSCI qui multiplient les initiatives et ont les moyens de concurrencer des acteurs plus petits partout dans le monde, est la raison principale du choix d’Oekom d’intégrer ISS. L’agence allemande est en bonne santé et jouit d’une excellente réputation. Cela lui a permis de négocier l’intégration globale de l’équipe (120 personnes) au sein de la nouvelle structure avec la garantie de pouvoir rester pour les deux années à venir. L’équipe basée à Paris, dirigée par Julia Haake, devrait rester dans la capitale.
Les clients investisseurs d’Oekom qui gèrent 1 500 milliards d’euros, ont tous été prévenus avant que l’annonce soit publique. Ils accueillent plutôt bien la nouvelle, car ils sont de plus en plus nombreux à vouloir disposer d’une notation ESG aussi développée que la notation financière, compte tenu du volume de leurs portefeuilles. Ils savent que cela suppose de gros moyens.
Un premier rachat d’ampleur en Europe pour ISS
Du côté d’ISS, ce rachat, le premier de cette ampleur en Europe, s’inscrit dans une stratégie globale d’éventuelle introduction en bourse fin 2018 ou début 2019. En novembre 2017, son PDG Gary Retelny avait déclaré à Responsible Investor.com : "Cela dépendra en partie du succès de nos acquisitions dont la ‘viabilité’ sera fortement influencée par des problèmes immatériels" comme la "capacité à intégrer les équipes rachetées au sein de notre compagnie qui emploie 1 200 personnes dans le monde".
Ces trois dernières années, ISS a racheté en Europe Ethix, l’agence basée en Suède, qui employait une vingtaine de personnes, ainsi que le Suisse spécialiste de la notation sur le climat, South Pole, qui comptait une dizaine de personnes. L’ancienne dirigeante d’Ethix, Ulrike Hasselgren, a quitté ISS fin 2017 après deux ans pour rejoindre une banque danoise.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic