Publié le 30 octobre 2017
ENTREPRISES RESPONSABLES
Mesurer son ancrage local, un enjeu de soutenabilité pour les entreprises
Avec l'essor du Made in France, du consommer local et des circuits-courts, les entreprises s'interrogent de plus en plus sur leur relation au territoire. Pour les aider à mieux piloter et valoriser leur ancrage local, l'association Orée vient de lancer un outil de mesure, l'Indicateur d’interdépendance des entreprises à leur(s) territoire(s) d’implantation (IIET), et un guide de bonnes pratiques.

Emplois locaux, redistribution de la création de valeurs, contribution à la préservation des ressources, participation des acteurs locaux, voici quelques-uns des 34 points mesurés par l’Indicateur d’interdépendance des entreprises à leur(s) territoire(s) d’implantation (IIET). Lancé par Orée fin septembre, ce nouvel outil permet de mesurer l’ancrage local des organisations, un nouvel enjeu de RSE.
L’association s’est intéressée à cette question - qui fait l’objet de l’article 225 du reporting RSE instauré par la loi Grenelle 2 - après avoir remarqué les difficultés et le manque d’outils pour piloter et valoriser l’ancrage local. L’IIET est le fruit de trois ans de travaux et a été co-construit avec neuf entreprises adhérentes d’Orée.
"Ce sujet rejoint les orientations actuelles de la réglementation, explique Patricia Savin, présidente d’Orée. Le Grenelle II puis la loi de la transition énergétique pour la croissance verte insistent sur la notion de proximité et le rôle des politiques locales. Plus récemment, la transposition de la directive européenne RSE a confirmé l’intérêt des pouvoirs publics pour l’ancrage local et l’emploi non délocalisable", explique l’association, qui publie également un guide de bonnes pratiques.
Le parcours d'ancrage local d'une entreprise à la façon d'une pyramide de Maslow pour arriver à un niveau d'interdépendance avec son/ses territoire(s) d'implantation. ( Source : Orée)
Changement de business model
Pour illustrer cet ancrage local, GRDF, l’une des entreprises associées au projet, cite la création d'une filière locale d’économie circulaire dans la métropole lyonnaise. Il s’agit d’un projet territorial de méthanisation qui va permettre de valoriser une partie des biodéchets liés à l’activité économique du territoire (agriculture, agroalimentaire, commerce, restauration...) pour générer du gaz. La loi de transition énergétique prévoit d’atteindre 10 % de gaz "vert" d’ici 2030.
"Cela bouleverse complètement notre business model et contribue à révolutionner le système énergétique qui s’oriente vers un modèle plus décentralisé. Nous redonnons la main aux acteurs locaux pour décider du mix énergétique sur leur territoire, témoigne Catherine Leboul-Proust, directrice stratégie chez GRDF. L’IIET va nous permettre de tester l’ancrage local de cette nouvelle filière et ses externalités. Nous allons le diffuser auprès de nos agences territoriales comme outil de dialogue avec les parties prenantes."
Un vecteur de performance économique
L’ancrage local passe aussi par une meilleure gouvernance. C’est une préoccupation réelle pour Air France-KLM qui doit gérer les plaintes concernant le bruit. Grâce à un dialogue proactif avec ses parties prenantes et notamment les associations de riverains, le groupe est parvenu à réduire de 40 % les nuisances sonores des dix principaux aéroports français depuis 2005. "Un bruit particulièrement gênant spécifique à l’A320, signalé par ces associations, nous a permis de trouver une solution technique pour l’éliminer alors que la législation ne nous y obligeait pas", raconte Laurence Tabourdeau, manager Développement durable chez l’avionneur.
Air France est également à l’initiative de l’association Pays de Roissy-CDG, créée en 2003, qui regroupe 340 acteurs socio-économiques et politiques impliqués dans la vie locale – chefs d’entreprises, élus, responsables institutionnels, habitants – afin de mieux dialoguer. Un groupe "travail" planche ainsi sur l’accessibilité de cette zone, qui constitue un frein à l’emploi. Pour y pallier, l’idée d’un téléphérique est sérieusement étudiée. Chaque année, un Père Noël atterrit aussi sur le tarmac pour la plus grande joie de 200 enfants des écoles avoisinantes. "Une sacrée organisation qui permet de créer du lien social", complète Laurence Tabourdeau.
"Les travaux d’Orée tendent à montrer que plus l’entreprise est ancrée localement, plus elle en retire de la valeur économique qui lui profite tout en profitant à tous, conclut Caroline Alazard, entrepreneure et présidente du groupe de travail ‘ancrage local des entreprises’. In fine, ces entreprises sont les mieux placées pour innover et sécuriser leur environnement dans le sens d’une économie soutenable. Les territoires pourraient ainsi s’imposer comme un trait d’union majeur entre responsabilité et compétitivité." Orée réfléchit désormais à adapter son outil aux PME/TPE en réduisant le questionnaire à une quinzaine d'entrées tout en balayant l’ensemble des thématiques.
Concepcion Alvarez @conce1