Publié le 09 juin 2020
ENTREPRISES RESPONSABLES
La France est passée de la pénurie de masques à la surproduction
Des centaines d'entreprises françaises, face à la pénurie de masques, ont répondu à l'appel à un "effort de guerre" lancé par Emmanuel Macron en produisant des masques sur le territoire. Mais aujourd'hui les commandes baissent et les stocks s'accumulent. La situation est critique pour ces entreprises qui appellent l'État à constituer une réserve et les entreprises à privilégier les masques lavables Made In France pour leurs salariés plutôt que les jetables fabriqués en Asie. Un enjeu économique et écologique.

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Il y a quelques semaines encore, c’était la pénurie. Les citoyens, entreprises et collectivités se démenaient pour trouver des masques en pleine pandémie. Les soignants alertaient sur le manque de stocks, certains étant même obligés de réutiliser des protections jetables. Le Président Emmanuel Macron appelait alors les entreprises à participer à "l’effort de guerre" en produisant rapidement et massivement des masques pour les soignants et la population. Mais près de trois mois après l’annonce du confinement, c’est l’embouteillage. Les entreprises du textile n’arrivent plus à écouler leurs stocks.
Pierre Chalvin, délégué général d’Unitex Auvergne-Rhône-Alpes, syndicat professionnel qui fédère les entreprises du secteur a constaté auprès du HuffPost une "chute brutale des commandes" depuis 10 à 12 jours. Au total, selon la secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier Runacher, 10 % des 450 entreprises qui ont participé à la production de masques pour résister au Covid-19 se retrouvent "avec des stocks sur les bras". Le trop-plein se chiffrerait en dizaine de millions d'unités. La situation est telle qu’un comité stratégique de la filière mode et luxe a été reçu le 8 juin dans l’après-midi au ministère pour trouver des solutions.
Inciter les entreprises françaises à s'approvisionner dans l'Hexagone
"Le travail commence à peine mais nous avons plusieurs pistes de réflexion", explique une porte-parole de l’Union des industries textiles (UIT). La première piste est d’inciter les entreprises à acheter des masques réutilisables en textile plutôt que des jetables. La concurrence est en effet forte avec l’Asie qui a repris sa production à bas coût. Mais ces derniers représentent un vrai problème écologique. Ils ne peuvent être utilisés qu’une fois, contre trente pour les masques en tissus. Ils n’ont pas de filière de recyclage et mettent 450 ans à se dégrader. "C'est quand même incroyable. On a un produit qui est écologique, qui a un rapport qualité-prix imbattable et néanmoins on n'arrive pas à convertir les grandes entreprises à utiliser ce masque, on préfère le masque chirurgical qui, lui, est importé de Chine", a constaté Agnès Pannier Runacher au micro de RTL.
La deuxième piste est que l’État constitue une réserve de masques Made In France. "L’avantage, c’est qu’ils ne périment pas comme les jetables", fait valoir l’UIT. Un coup de pouce qui pourrait rassurer la filière. "On ne peut pas demander à la filière de se mobiliser et la laisser tomber deux plus tard", défend dans les Échos Guillaume de Seynes, président du Comité stratégique de la filière mode et luxe qui pointe une commande de 10 millions de masques lavables de l’Etat français au Vietnam en avril. Une commande à l’étranger que la filière française n’a pas apprécié même si le gouvernement assure que les entreprises de l’Hexagone n’étaient pas prêtes à honorer sa commande dans les temps.
Privilégier la demande locale pour éviter la surproduction
Enfin, Yves Dubief, ambassadeur masques textiles du gouvernement a prévu d’aller "démarcher les entreprises étrangères" car la France est "en avance par rapport aux autres pays européens", a-t-il expliqué sur LCI. Reste que si de grands noms comme Porcher, Boldoduc ou Chamatex sont en effet en difficulté, ce n’est pas le cas de toutes les entreprises qui ont réorienté leurs lignes de production vers les masques. "Nous avons travaillé comme à notre habitude, en local : les municipalités de notre bassin de vie ont exprimé leur besoin, nous avons travaillé avec nos partenaires industriels locaux pour fabriquer des masques sur commande avec une équipe solidaire. Nous avons approvisionné puis confectionné la juste quantité de masques", explique le fondateur de la marque de Jean 1083, Thomas Huriez.
"L’indépendance industrielle est devenue stratégique et la production des masques comme l’industrie de demain doit permettre de privilégier le local (acheteurs, collectivités, entreprises) pour un travail en confiance, donner de la visibilité, et éviter quel la surproduction efface la pénurie puis l’inverse ", pointe-t-il.
Marina Fabre, @fabre_marina