Publié le 28 avril 2020
ENTREPRISES RESPONSABLES
Déconfinement : vers un nouveau pacte social au sein des entreprises
Après deux mois de confinement, le retour au travail fait l’objet d’attente et d’inquiétude. Comment gérer la protection nécessaire des collaborateurs mais aussi leurs angoisses, leurs questionnements sur le sens et l’utilité de leur travail ? Pour assurer la cohésion et l’engagement des équipes, la gestion de l'humain va être clé. Certains experts n’hésitent pas à parler de refonte d’un pacte social entre les entreprises et leurs collaborateurs.

@sorbetto
À partir du 11 mai, les entreprises vont reprendre du service. Mais à quelles conditions ? 76 % des directeurs des ressources humaines envisagent des "plans de reprise", intégrant de nouvelles pratiques de travail, une réorganisation des locaux et du temps de travail, selon une enquête de la fédération des directeurs des ressources humaines (ANDRH).
Mais il faudra aussi gérer la dimension humaine qui influence l’engagement et la performance des collaborateurs. "L’entreprise devra être proactive pour inventer une nouvelle donne sociale, voire un nouveau pacte social, qui portera sur les conditions de rémunération, l'équité, la qualité de vie, le développement des compétences", assure ainsi Vinciane Beauchene, directrice associée chez le cabinet de conseil BCG.
1 - Gérer un corps social désuni sur fond de tensions sociales
Face à la crise, tous les travailleurs ne sont pas sur un pied d’égalité. Dix millions d’actifs sont au chômage partiel, soit la moitié des actifs. Huit millions sont en télétravail. Le reste travaille sur le terrain. Chaque situation a ses problématiques : angoisses financières pour les chômeurs, fatigue de l’hyperconnexion pour les télétravailleurs ou encore stress de la contamination pour ceux sur le front, avec une forte attente de reconnaissance pour l’utilité de leur travail.
De fait, le déconfinement ne sera pas le même pour tous. "À cela s’ajoutent les tensions sociales des 18 derniers mois, incarnées par les Gilets jaunes, qui ne se sont pas effacées. L’un des grands défis de l’entreprise va être de récréer le collectif de travail dans un contexte de déséquilibres et de situations disparates qui va durer pendant des mois", souligne Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH.
2- Ne pas négliger les risques psychosociaux en plus des risques sanitaires
Le stress augmente au fur et à mesure des semaines de confinement : 50 % des salariés se sentent isolés et 47 % s’estiment en détresse psychologique, rapporte la dernière enquête du cabinet Empreinte humaine. C’est aussi le cas pour 30 % des managers (+10 points entre fin et début avril). Le retour au travail est tout autant source d’angoisse autour des transports, de la garde des enfants ou des conditions de travail. 71 % des salariés craignent pour leur santé. Les entreprises ont donc mis en place des mesures sanitaires parfois drastiques.
Mais les entreprises vont également devoir travailler sur la "santé psychologique" en traitant les risques dits psychosociaux, insiste Empreinte Humaine. Dans ce cadre, la question des congés est loin d’être anecdotique : "Il ne faut pas les négliger au risque d’avoir des salariés épuisés et démotivés lors de la deuxième phase cruciale de la rentrée de septembre", alerte Benoît Serre.
3- Renforcer le dialogue social et la transparence…dans un contexte d’incertitude
Les entreprises seront autant scrutées sur leur gestion du déconfinement que sur celle du confinement. Deux conditions fondamentales pour réussir : la transparence et le dialogue social avec les salariés et leurs représentants. "C'est inestimable en termes de confiance et d’engagement au sein de l’entreprise", confirme un dirigeant d'entreprise, Stéphane Nomis, d'Ippon technologies. Cela vaut pour les aspects sanitaires et économiques. "Il faut pouvoir donner de la visibilité, être clairs sur les objectifs et projets qui sont prioritaires et ceux qu’on abandonne. Et ce, sur plusieurs mois alors que l’on évolue dans un contexte d’extraordinaire incertitude", souligne Benoît Serre.
4 -Donner du sens au travail et au projet d'entreprise
L’engagement des collaborateurs a baissé de 13 % ces deux derniers mois (à 49 %). Et pour certains, la pause du confinement a été l’occasion de repenser leur avenir professionnel. Aussi, il va aussi falloir penser à la rétention des talents et à l’attractivité. Redonner du sens au travail des collaborateurs va donc être essentiel. "C’est le test de vérité pour la raison d’être et la responsabilité des entreprises", estime ainsi Benoît Serre. La façon dont les dirigeants géreront le retour à l’emploi et le projet d’entreprise dans les prochains mois, sur le plan social, économique et environnemental, sera déterminante pour l’avenir de leur société.
Béatrice Héraud, @beatriceheraud