Publié le 12 mars 2021
ÉCONOMIE
Les eurodéputés votent en faveur d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe
Comment concilier hausse des exigences climatiques et compétitivité ? Les eurodéputés ont voté, le 10 mars, en faveur d'une taxe aux frontières pour les produits issus des pays dont les normes environnementales sont moins ambitieuses. En contrepartie, les quotas de droits à polluer alloués gratuitement au sein de l'Union européenne devraient être supprimés.

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Alors que l’Union européenne a réhaussé ses ambitions climatiques et s’est engagée à réduire de 55 % ses émissions de CO2 d'ici à 2050, l’enjeu est parallèlement d’améliorer l’empreinte carbone du continent en verdissant ses importations. Les eurodéputés se sont prononcés le 10 mars en faveur d'une "taxe carbone" pénalisant les importations de produits issus de pays aux normes climatiques moins strictes. Le mécanisme devrait entrer en vigueur d'ici 2023.
La proposition d'un "ajustement des émissions de carbone" aux frontières vise également à éviter les délocalisations des activités industrielles de l'UE vers des pays tiers moins regardants et moins ambitieux en matière de politiques environnementales.
Plusieurs pistes sont évoquées
La question est aujourd'hui de déterminer comment mettre en place cette taxe. Plusieurs pistes sont évoquées et la Commission européenne tranchera d’ici juin. La proposition sera ensuite soumise aux États membres et aux parlementaires. Pour l’eurodéputé vert Yannick Jadot, rapporteur du texte, “une taxe sur la consommation sans contrepartie sociale serait malvenue. Il y a aussi l’idée d’un droit de douane, ce qui serait plus simple à comprendre pour l’opinion publique mais il faut l’unanimité” des Vingt-Sept.
Selon lui, la piste la plus probable et celle de la mise en place d'un quota d’émissions, c’est-à-dire de droits à polluer. L’entreprise exportatrice devrait prouver l'impact carbone de sa production et si celle-ci est supérieure au standard européen, elle devrait acquérir un quota. L’Union européenne pourrait fixer un niveau maximal d’émissions carbone liées à ses importations – qui se traduirait par un nombre limité de quotas mis en vente. Quant au prix de ces quotas, ils seraient équivalents à ceux du marché du carbone déjà existants au sein de l’UE, pour respecter les règles de non-discrimination de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Parallèlement, la vente des quotas constituerait une nouvelle source de revenus pour le budget de l’UE puisque ce mécanisme pourrait générer entre 5 et 14 milliards d’euros par an. Bien que ce soit "d’abord un outil au profit d’une politique climatique", précise cependant Yannick Jadot. Cet instrument permettra notamment de "financer notre plan de relance, ajoute l’eurodéputée Valérie Hayer (Renew, libéraux). Mais ce n’est pas un mécanisme protectionniste".
Suppression des quotas d'émissions gratuits
Cette taxation aux frontières bouleversera aussi le marché intérieur du carbone. Le texte prévoit la suppression rapide des quotas d’émission gratuits distribués au sein de l’UE. Ceux-ci permettaient en effet aux entreprises des secteurs les plus polluants (sidérurgie, bâtiment, chimie…) de rester compétitives face aux importations. “Les industriels ne peuvent pas avoir le beurre et l’argent du beurre” et ces quotas gratuits sont “une faille qui protège une vaste majorité des secteurs gros émetteurs de carbone”, souligne Doreen Fedrigo, de l’ONG Climate Action Network (CAN).
Mais certains eurodéputés s’inquiètent d’une transition trop rapide et d’un possible fardeau pour des entreprises devant soudainement s’acquitter d’un coût supplémentaire pour leurs émissions – même si la résolution prévoit un éventuel "rabais à l’exportation" pour les aider. "Il ne faut pas que cela fasse peser une charge disproportionnée sur les entreprises européennes, en particulier nos PME, déjà soumises à de trop nombreuses exigences administratives", observe l’eurodéputée Agnès Evren (PPE, droite pro-UE). "C’est le point le plus tendu des discussions”, admet Yannick Jadot, qui redoute l’adoption d’amendements pour édulcorer le texte et un débat difficile entre les gouvernements des Vingt-Sept.
Pauline Fricot avec AFP