Publié le 01 avril 2022
ÉCONOMIE
Pascal Demurger, Maif : "Pour accélérer la transition écologique des entreprises, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer"
À l’occasion de l’élection présidentielle, Novethic se penche sur ces débats oubliés, ceux qui n’occupent pas le terrain médiatique mais qui sont pourtant vitaux. Les entreprises ont ainsi un rôle important à jouer pour assurer la transition écologique du pays mais, pour Pascal Demurger, directeur général de Maif, les pouvoirs publics devraient être plus incitatifs pour orienter leurs actions. Conditionnement des aides publiques, fiscalité écologique… il formule des propositions concrètes.

Sylvie Humbert/MAIF
Comment la puissance publique doit-elle pousser les entreprises à se transformer ?
Compte tenu de l’attente sociale forte, les entreprises sont conduites à rechercher un impact positif de leurs activités. Elles communiquent énormément sur leurs engagements mais il n’y a pas suffisamment d’actes concrets. La pression de l’opinion publique permet de faire évoluer les situations mais ce mouvement reste encore trop lent. Donc pour accélérer les changements, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Nous l’avons notamment constaté avec la loi Pacte qui a contribué à faire évoluer les gouvernances au sein des entreprises. De la même façon, des changements de politiques économiques au niveau de l’État pourraient encourager certains mouvements.
Quelles mesures pourraient faciliter un plus grand engagement de la part des entreprises ?
Il faut modifier la fiscalité car elle n'incite pas assez les entreprises à prendre une voie durable. Aujourd’hui, l’impôt sur les sociétés repose uniquement sur les bénéfices des entreprises. Il prend en compte uniquement la richesse produite. Par exemple, certaines entreprises qui polluent ou délocalisent tout ou partie de leurs activités ne sont pas fiscalement pénalisées. Pourtant ces comportements ont un coût à la fois sur l’environnement, la santé ou encore la société puisque cela détruit des emplois. À l’inverse, des entreprises qui se transforment pour réduire leurs impacts sur l’environnement ou pour rapatrier certains appareils productifs par exemple ne sont pas, ou pas assez, encouragées à le faire. Résultat, qu’elles soient positives ou négatives, les externalités ne sont nullement prises en compte.
Mais comment réformer la fiscalité en ce sens, il n’y a pas de mesures objectives des externalités sur lesquelles baser de nouvelles taxes ?
Des référentiels et des outils de mesure de plus en plus performantes émergent au niveau européen. Nous aurons une vision de plus en plus précise des impacts des entreprises sur les écosystèmes. Ainsi, une fiscalité différenciée basée sur des mesures objectives est envisageable. En conséquence, une entreprise qui délocaliserait et provoquerait des externalités négatives serait pénalisée. À l’inverse, une société devenant plus durable serait récompensée. Un tel dispositif aurait le mérite de rétablir une forme d'équité.
Vous plaidez aussi pour un conditionnement des dispositifs publics ?
Oui, à commencer par une réforme des aides accordées aux entreprises. Aujourd’hui les subventions ne sont pas conditionnées par des critères environnementaux ou sociaux. Au total, 150 milliards d’euros sont versés chaque année y compris aux sociétés polluantes ou destructrices d’emplois, ce qui est choquant.
Il faut également assurer un meilleur fléchage de la commande publique. Ces dépenses représentent 8 % du PIB, ce qui constitue un puissant levier d’action. Un acheteur public peut aujourd’hui intégrer des critères environnementaux mais le critère de choix final d’un sous-traitant restera le prix avec une obligation de choisir le moins cher même si c’est le moins-disant sur des critères environnementaux ou sociaux.
Quelles sont les réactions des candidats à vos propositions ?
Bonnes, et pas seulement du côté des écologistes ! Des patrons du CAC 40 soutiennent aussi ce socle de mesures qui concilient les exigences de performance des entreprises aux contraintes budgétaires de l’État.
Mathilde Golla, @Mathgolla