Publié le 14 avril 2023
ÉCONOMIE
Les superprofits des géants de l’agroalimentaire font gonfler l’inflation
Les prix de l'alimentation n'ont jamais été aussi hauts depuis les années 80, contraignant certains Français à supprimer un repas dans la journée. Si la hausse des prix de l'énergie, du transport, des intrants agricoles... explique en partie l'inflation alimentaire, plusieurs études montrent que l'augmentation des marges des géants de l'agroalimentaire gonfle aussi l'addition.

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C’est une inquiétante réalité. Selon un nouveau sondage Ifop dédié à la précarité alimentaire et commandée par la Tablée des chefs, 79% des Français ont réduit leurs achats alimentaires. L’enquête, menée auprès de plus de 1 000 personnes, montre ainsi que la moitié des sondés (53%) affirment avoir réduit les portions, la quantité des repas, quand 42% sont contraints de supprimer certains repas comme le petit-déjeuner ou le dîner en raison de la hausse des prix de l’alimentation. "Si nous constatons depuis un certain temps un arbitrage entre besoins essentiels et loisirs, il apparait aujourd’hui que les populations modestes aient désormais à faire des concessions sur leurs habitudes alimentaires", note l’institut.
Il faut dire que la situation est extrêmement tendue. Selon le cabinet d’études Circana (anciennement Iri), au mois de mars, l’inflation alimentaire a atteint un pic de +16,3% par rapport à mars 2022. Sur deux ans, l’augmentation est même de 18% ! "L’inflation franchit un nouveau cap", juge sur Linkedin la directrice business insights de Circana Emily Mayer. "Les hausses vont se poursuivre jusqu’à l’été", prévient-elle.
Bruno Le Maire demande un effort
Pour faire baisser l’addition, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a envoyé un courrier aux industriels de l’alimentation. Il demande à ce que les baisses des prix de gros soient répercutés sur le ticket de caisse des consommateurs. "J'ai adressé un courrier à tous les grands industriels, ça ne concernera pas les petites PME, en disant : moi je suis les cours du blé, ils ont été divisés quasiment par deux en quelques mois, je suis les cours de l'énergie, ils ont baissé, je suis les cours du fret maritime, ils ont également baissé", explique sur Europe 1 le ministre.
Dans une note, l’Institut de la Boétie - organisme émanant de la France insoumise et réunissant des économistes – va plus loin. S'il reconnait que les prix de l’énergie et des intrants du secteur agricole ont augmenté depuis la guerre en Ukraine, il met en avant l’augmentation du taux de marge des entreprises. "Les géants de l’aogroalimentaire ont profité de la situation pour accroitre leurs profits et leurs marges. Le ministre de l’Economie a la possibilité de bloquer le prix de certains produits et/ou de taxer les super-profits, qu’il joue son rôle", demande Eric Berr, économiste et co-auteur de la note.
La Banque centrale et l'Insee confirment
Une fois n’est pas coutume, même la Banque centrale européenne a lancé l’alerte début mars devant 26 gouverneurs de la zone euro avec un message : "Les entreprises profitent d’une inflation élevée tandis que les travailleurs et les consommateurs paient la note", rapporte Reuters dans une dépêche. "Il est clair que l'expansion des bénéfices a joué un rôle plus important dans l'histoire de l'inflation européenne au cours des six derniers mois environ", a déclaré à l’agence de presse Paul Donovan, économiste en chef chez UBS Global Wealth Management.
Une tendance que l’Insee a également confirmé dans une note publiée le 31 mars. L’institut national de la statistique et des études économiques note ainsi que le taux de marge a fortement augmenté au cours de l’année 2022 pour le secteur agroalimentaire. "On prétexte toujours qu’il ne faut pas augmenter les salaires pour ne pas générer une boucle "salaire-prix" mais on là on est dans une spirale "prix-profit", dénonce Eric Berr.