Publié le 16 février 2021
ÉCONOMIE
Green Deal : la Commission dessine les contours du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières européennes
La commission de l’environnement du Parlement européen vient d'adopter une résolution relative au mécanisme européen d’ajustement des émissions de carbone aux frontières afin qu'il puisse être compatible avec les règles de l’OMC. Celui-ci est indispensable pour éviter les fuites de carbone alors que l'UE est engagée vers la neutralité climatique en 2050 et que le prix du carbone va être amené à augmenter. La Commission européenne doit présenter une loi instaurant ce mécanisme en juin prochain.

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C’est le corollaire du Green Deal. Au fur et à mesure que l’Union européenne accroît son ambition climatique afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050, la mise en place d’un prix carbone sur les importations devient inéluctable, alors que les produits importés représentent environ 30 % des émissions de CO2. C’est pourquoi la Commission européenne préconise le lancement d’un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui pourrait entrer en vigueur en 2023. La semaine dernière, la commission de l’Environnement du Parlement européen a adopté une résolution sur ce mécanisme.
"Ce mécanisme a pour but d’imposer un prix carbone aux importations similaires à celui payé par les entreprises installées sur le sol européen. Il a été porté par les gouvernements français successifs sans jamais aboutir, mais est désormais en passe de devenir réalité. C’est inédit. Nous demandons que ce mécanisme soit pensé comme une extension du marché carbone, et non comme une taxe aux frontières car cela nous exposerait à la règle du vote à l’unanimité, et autant le dire, à une impasse politique", commente le député Pascal Canfin (Renew Europe), qui préside la commission de l'Environnement.
Mettre fin aux allocations gratuites
Les eurodéputés préconisent également la suppression du système des allocations gratuites. Des crédits carbone gratuits sont en effet alloués à certains secteurs afin de pallier les risques de fuites de carbone. Selon les parlementaires, d’ici 2023, le mécanisme devrait couvrir le secteur énergétique et les secteurs à forte intensité énergétique comme le ciment, l’acier, l’aluminium, le raffinage du pétrole, le papier, le verre, les produits chimiques et les fertilisants, qui continuent à bénéficier d’importantes allocations gratuites de quotas et représentent toujours 94 % des émissions industrielles de l’UE.
Selon une étude de l'Afep (Association française des entreprises privées), publiée en début d'année (1), sans ce MACF, l'objectif de neutralité climatique à 2050 pourrait entraîner une hausse de 23 % des fuites de carbone dès 2030. L'association est favorable à mécanisme d’ajustement carbone aux frontières sous forme de taxe, ou d’un marché distinct du marché carbone européen pour les importations, accompagné de mesures de soutien fortes et d'accords commerciaux à impact vert. Selon les différents scénarios envisagés, le MACF permettrait de faire reculer les émissions de CO2 de 4 000 à 8 700 mégatonnes sur la période 2025-2050.
Entre 5 et 14 milliards d’euros de recettes
Le mécanisme, qui doit "être conçu dans le seul but d’atteindre les objectifs climatiques et des conditions de concurrence équitables au niveau mondial, et non être utilisé à mauvais escient comme un outil visant à renforcer le protectionnisme", précisent les eurodéputés, devrait en outre inciter les partenaires commerciaux de l’UE à se décarboner conformément aux objectifs de l’accord de Paris. "C’est à cette condition que nous pourrons essayer de rester au plus près des 1,5°C de réchauffement à ne pas dépasser. Le Parlement montre la voie, nous attendons le même niveau d’ambition de la part de la Commission européenne et des États membres" a déclaré le rapporteur Yannick Jadot (Verts).
Le Parlement dans son ensemble devrait se prononcer sur la résolution début mars. Et la Commission présentera en juin la loi européenne qui instaurera ce mécanisme, après une étude d’impact qui sera publiée au printemps. "La Présidence française de l’Union au premier semestre 2022 en fait déjà une de ses priorités pour un accord politique final permettant une mise en œuvre au 1er janvier 2023", souligne encore Pascal Canfin. Le MACF permettrait de mobiliser chaque année entre 5 et 14 milliards d’euros de recettes propres qui devraient être affectées au remboursement du plan de relance mais aussi à la transition écologique.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) L'étude de l'AFEP, janvier 2021