Publié le 08 septembre 2022
ÉCONOMIE
Grande démission, manque de personnel : modifier les règles de l’assurance chômage ou lutter contre les discriminations ?
Changer son nom d’Ait-Taleb en Le Clerc a ouvert des dizaines de propositions d’emploi à l’écrivain, titulaire de deux masters, qui a témoigné sur France Inter des discriminations dans l’emploi. Que ce soit par le nom ou l’âge, les statistiques montrent que la France se prive, à cause des discriminations, de viviers de talents diplômés et formés. Mais pour répondre aux tensions sur l’emploi, le gouvernement mise sur une nouvelle réforme de l’assurance chômage pour inciter les chômeurs à retravailler.

@Aleutie iStock
Auteur de "L’homme sans titre", l’écrivain Xavier Le Clerc était invité à parler de son livre sur France Inter le 7 septembre. Il s’appelait auparavant Amine Ait-Taleb et a raconté à Léa Salamé comment son changement de nom lui avait ouvert un marché de l’emploi auquel ses deux masters ne lui permettaient pas d’accéder.
Consternant. Pour mettre ce témoignage en perspective, il est utile de rappeler que le taux de discrimination à l’emploi en France est de 51% selon l’OCDE, soit le plus élevé des pays industrialisés. https://t.co/Q0vFwsowX7
— François Gemenne (@Gemenne) September 7, 2022
Ce témoignage sur la réalité des discriminations dans l’emploi par le nom rappelle que la France a un lourd handicap dans ce domaine. Plus d’un jeune sur trois, âgé de 18 à 34 ans, rapporte avoir vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière, selon le dernier Baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits avec l’Organisation internationale du travail (OIT). Près d’un jeune sur cinq déclare y avoir été confronté à plusieurs reprises !
Changer les pratiques à l'embauche
Des affirmations confirmées par l’opération de testing menée sous la responsabilité du Ministère du Travail début 2022 sur près de 10 000 candidatures. À compétence égale, un tiers des profils avec des noms à consonnance maghrébine étaient clairement discriminés, alors que c’est illégal.
La discrimination par l’âge est, elle-aussi, très répandue. Seuls 55 % des 55/64 ans travaillent en France contre plus de 70 % en Allemagne. L’âgisme est aujourd’hui reconnu comme une catégorie de discrimination par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a lancé une campagne mondiale sur ce thème en 2021, intitulée #oldlivesmatter. En France, au printemps 2022, le club Landoy, cercle de réflexion du groupe de presse Bayard, a lancé une charte sur la non-discrimination liée à l’âge qui a été signée par une cinquantaine de grandes entreprises comme L’Oréal, La Poste, Michelin ou Sodexo.
Comme le rappelait Gilles Gâteau, le Directeur Général de l’APEC, à l’occasion du rendez-vous annuel du MEDEF, "les entreprises ont la capacité de se réinventer avec un changement de pratiques plus inclusives pour que chacun et chacune ait sa place dans le monde du travail". Les syndicats sont sur une position similaire. Pour eux, attirer et garder les talents dépend d’abord de la formation et de l’attractivité des emplois par le niveau de salaires, les conditions de travail, mais aussi la nature de l’activité de l’entreprise qui recrute et la capacité à les repérer.
Les discriminations absentes de la lutte contre le chômage
Pour résoudre les difficultés de recrutement rencontrées par de nombreux secteurs, alors que le taux de chômage dépasse les 7 %, le gouvernement prévoit une nouvelle refonte du système de calcul des indemnités chômage. Le projet de loi, lancé le 7 septembre, doit traduire la volonté d’Emmanuel Macron, de moduler les indemnités. Elles doivent être "plus strictes quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuses quand le chômage est élevé".
La concertation avec les partenaires sociaux sur la refonte de l’assurance chômage commence à peine. Mais le gouvernement n’utilise qu’un levier pour résoudre les tensions sur le marché du travail. La lutte contre les discriminations, que ce soit par l’âge ou l’origine, reste un parent pauvre des politiques de l’emploi. Cela s’explique sans doute par le fait que, selon le Défenseur des droits, seules 7 % des personnes discriminées entament des démarches et seules 2 % portent plainte.
Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT_ directrice générale de Novethic