Publié le 12 janvier 2024

Bonduelle, Andros, Unilever… une douzaine d’entreprises ont été condamnées par l’Autorité de la Concurrence pour avoir restreint l’information de leurs consommateurs sur la présence de bisphénol A dans leurs emballages. Le bisphénol A est reconnu comme un perturbateur endocrinien et comme un produit reprotoxique, susceptible de migrer dans l’alimentation.

19,5 millions d’euros d’amendes : c’est le montant des sanctions financières infligées par l’Autorité de la Concurrence à 11 entreprises de l’agroalimentaire et quatre organismes professionnels du secteur. Les organisations condamnées s’étaient entendues, entre 2010 et 2015, pour cacher la présence ou l’absence de bisphénol A dans leurs emballages, et pour coordonner les informations délivrées aux consommateurs sur le sujet. Si les condamnés ont annoncé vouloir faire appel selon LSA Conso, il s’agit là d’une nouvelle preuve des manquements des groupes de l’agroalimentaire en matière de transparence et d’information des consommateurs.
Les faits remontent au début des années 2010. À cette époque, la polémique enfle autour des impacts sanitaires et environnementaux d’une substance utilisée dans les emballages : le bisphénol A. La défiance monte, le journal Le Monde parle d’un “scandale sanitaire”, les associations de consommateurs appellent à éviter le produit. Le législateur envisage même d’interdire les emballages contenant du bisphénol, et une loi est même votée en ce sens en 2012. Et pour les acteurs de l’agroalimentaire, ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle. Durant cette période, les entreprises incriminées vont donc commencer à se réunir régulièrement, afin de coordonner leurs communications autour du bisphénol A. Ils décident même d’établir une sorte d’alliance, visant à ne pas communiquer sur la présence ou l’absence de bisphénol A dans leurs produits.
L’objectif est simple : préserver les ventes, car sans information, les consommateurs ne peuvent pas choisir. C’est d’ailleurs l’objet de la condamnation prononcée par l’Autorité de la Concurrence, qui considère “que cette pratique est très grave, car elle a privé les consommateurs de la faculté de choisir des produits sans BPA, à une époque où de tels produits étaient disponibles, alors que cette substance était, à l’époque, considérée comme dangereuse pour la santé.” Durant cette période, les industriels auraient aussi cherché à raccourcir les dates limites de consommation des produits dont les emballages contenaient du bisphénol A, afin d’écouler leurs stocks avant l’interdiction définitive. L’Autorité de la Concurrence n’a toutefois pas établi de sanction pour ce grief.

Le problème chronique de transparence dans les industries agroalimentaires

Ces dernières années, les polémiques autour du manque de transparence de l’industrie agroalimentaire ont été nombreuses. La fraude à la viande de cheval des années 2010 avait révélé la crise de traçabilité qui affectait le secteur. D’autres scandales ont suivi, avec, régulièrement, des contaminations bactériennes dans les chaînes d’approvisionnement des grands groupes agroindustriels. Plusieurs enquêtes menées par des associations de consommateurs ont révélé au fil des ans la présence dans les produits agroalimentaires de produits dangereux ou suspectés de l’être : nano-particules de dioxide de titane et autres colorants, conservateurs… Produits qui ne sont pas toujours mentionnés sur les étiquettes.
Assez régulièrement, les enquêtes montrent d’ailleurs que les entreprises du secteur mettent en place des stratégies pour éviter d’avoir à communiquer sur leurs pratiques ou la composition de leurs produits. Récemment, le Bureau Européen des Unions des Consommateurs a par exemple révélé dans un rapport comment le secteur a fait une campagne de lobbying très active contre le développement du Nutri-Score en Europe.
Et ces dernières semaines, c’est encore le secteur agro-alimentaire qui a été pointé du doigt pour ses pratiques en matière de shrinkflation. La loi Egalim,votée en 2020, comportait certaines mesures pour tenter de renforcer la transparence sur les produits alimentaires, notamment sur l’étiquetage des produits et la provenance des matières premières. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire de l’industrie agroalimentaire un secteur vertueux en matière de transparence et d’information, et ce, alors que les consommateurs sont de plus en plus exigeants dans ce domaine.
Clément Fournier

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