C’était une décision attendue depuis près de dix ans. Ce jeudi 31 juillet, le tribunal de Vienne a rendu son jugement dans l’affaire qui opposait la famille de Théo, aujourd’hui âgé de 18 ans et atteint de malformations congénitales, au géant Bayer-Monsanto. Les parents du jeune garçon impute ses malformations à une exposition in utero au Glyper, un générique du Round-Up, herbicide à base de glyphosate commercialisé par Bayer-Monsanto. Ce que les juges ont rejeté.
D’après le jugement, consulté par Franceinfo, “la famille n’a pas réussi à démontrer que l’exposition au pesticide, qui remonte à de nombreuses années, a bien eu lieu”. En revanche, la justice estime que Monsanto était bien le fournisseur du produit incriminé, contrairement à ce que le groupe avait affirmé lors du procès, tenu en avril dernier. Par l’intermédiaire de son avocat, la famille Grataloup a déjà annoncé qu’elle ferait appel.
“Impunité des industriels”
“C’est bien sûr une déception”, ont réagi les parents de Théo dans un communiqué. “Le tribunal de Vienne acte que nous avons utilisé un herbicide mais pointe la nécessité de preuves supplémentaires sur la marque précise du produit utilisé. Nous avons fait tout notre possible pour apporter ces preuves mais Sabine ne pouvait par exemple pas avoir un huissier derrière elle quand elle a épandu le glyphosate. Il est regrettable que la justice n’ait pas tenu compte de cette difficulté, inhérente à ce type de cas”, poursuivent-ils.
“Cette décision contribue à l’impunité d’industriels qui, comme Monsanto, ont trop souvent dissimulé ou minoré les dangers du glyphosate, en France comme ailleurs”, réagit l’ONG Générations futures dans un communiqué qui pointe également une dilution de la responsabilité alors que le Glyper, au cœur du dossier, était bien fabriqué par Monsanto, mais conditionné par un sous-traitant en Italie et vendu en France par Nova Jardin. “Une stratégie bien rodée de dilution des responsabilités dans les grands groupes chimiques, où chaque filiale se dédouane du rôle qu’elle joue dans la fabrication, la commercialisation ou la promotion de substances dangereuses”, ajoute Générations futures.
De son côté, le groupe Bayer-Monsanto exprime “toute sa compassion à la famille Grataloup” dont le combat juridique “traduit une douleur profonde et largement compréhensible”. Il rappelle aussi que le glyphosate fait “l’objet d’un consensus scientifique validé par les autorités sanitaires européennes et françaises” et assure qu’il “continuera d’agir avec responsabilité et rigueur sur les sujets qui relèvent de la santé publique”.
67 000 procès en cours
Le glyphosate, herbicide le plus vendu au monde (800 000 tonnes en 2014), a été classé en 2015 comme un “cancérogène probable” par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. Il est interdit en France depuis fin 2018 pour un usage domestique, mais son autorisation en usage agricole a été renouvelée en 2023 au niveau européen pour dix ans supplémentaires malgré la promesse d’Emmanuel Macon d’en sortir.
En 2022, les experts du fond d’indemnisation des victimes de pesticides avait reconnu comme probable le lien entre le glyphosate et les malformations de Théo. La même année, et après 15 ans de procédures, le tribunal de Lyon avait définitivement condamné Bayer-Monsanto à indemniser Paul François, céréalier charentais, à hauteur de 11 135 euros, intoxiqué accidentellement en 2004 par le désherbant Lassoun de la firme Monsanto.
Bayer-Monsanto est exposé à de nombreux recours : près de 67 000 procès seraient encore en cours, selon le rapport annuel du groupe. Depuis 2020, il a dû verser plus de 10 milliards de dollars à des utilisateurs de glyphosate atteints de cancers. En mars dernier, il a ainsi écopé d’une amende de 2,1 milliards de dollars, enfonçant encore le géant allemand de la chimie dans la crise. Selon Reuters, l’entreprise envisagerait même de cesser la vente de glyphosate compte tenu de la multiplication des risques.