Publié le 26 novembre 2020
L'attribution par la Commission européenne d'un contrat au géant BlackRock pour la réalisation d'une étude sur la finance durable est dénoncée par la médiatrice de l'Union européenne. Emily O'Reilly s'alarme du "risque de conflit d'intérêts" et du prix anormalement bas proposé par l'américain.

En choisissant BlackRock Investment Management, une filiale du plus grand gestionnaire d’actifs mondial BlackRock, pour réaliser une étude sur la prise en compte des facteurs sociaux et environnementaux dans la supervision bancaire, l’exécutif européen aurait "dû faire preuve de bien davantage de rigueur". Dans un rapport la médiatrice de l’Union européenne, Emily O’Reilly, s’alarme du prix anormalement bas proposé par l’Américain et du "risque de conflit d’intérêts".
Le contrat européen a été attribué pour un montant de 280 000 euros, avait indiqué en avril un porte-parole de la Commission, assurant que "la meilleure offre" avait été choisie. Mais en proposant "une offre moitié moins chère que la valeur maximale estimée", BlackRock "optimisait ses chances de décrocher le contrat. Et le remporter pouvait lui permettre de se faire une idée (des futures réglementations) et d’exercer une influence sur un segment d’investissement en plein essor", observe la médiatrice.
BlackRock affiche en effet l’ambition de devenir leader dans les investissements durables et responsables et multiplie les nouveaux produits financiers en ce sens. Avec plus de 7 800 milliards de dollars sous gestion, son poids financier est énorme. Mais si le plus gros gestionnaire du fond du monde multiplie les prises de position en faveur de la prise en compte de l’ESG, les critères d’analyse extra-financiers reposant sur l’environnement, le social et la gouvernance, il reste très présent dans les énergies fossiles et mobilise peu sa politique de vote en faveur de ces critères.
Des gardes-fous insuffisants 
Pour la médiatrice, il est "fort contestable" que la séparation nette établie entre la réalisation de l’étude et les activités d’investissement du groupe "puisse tempérer" le risque de conflit d’intérêts. Elle demande donc à la Commission "d’améliorer ses lignes directrices" encadrant les appels d’offres et d’"envisager" une révision de son règlement financier pour prévenir de telles situations.
Le rapport "n’a pas identifié d’acte de mauvaise administration (…) et confirme que nous avons appliqué les règles entièrement et équitablement", a réagi jeudi auprès de l’AFP un porte-parole de la Commission, ajoutant que l’institution examinerait les propositions de la médiatrice. De son côté, l’équipe de BlackRock qui a réalisé l’étude, "s’engage à fournir un service aux plus hauts standards, avec le meilleur rapport qualité-prix" et "la Commission a déjà indiqué publiquement que la qualité technique de la proposition avait été le critère déterminant" pour son choix, s’est défendu le géant financier, interrogé par l’AFP. Sans toutefois répondre sur le risque de conflit d’intérêts.
Emily O’Reilly avait ouvert une enquête après plusieurs plaintes dénonçant un "manquement à l’obligation de traiter correctement les questions de conflit d’intérêts". Mi-avril, plus de 80 eurodéputés s’étaient inquiétés de cette situation dans une question écrite à l’exécutif européen. Pour l’eurodéputé vert, Damien Carême, qui participait à cette initiative, il faut créer une autorité européenne de l’éthique pour éviter que cela ne se reproduise. En attendant, "la Commission doit en tirer les conséquences et annuler immédiatement ce contrat". Si cela n’est pas fait, ce sera alors le "clou dans le cercueil du Pacte vert" européen, estime l’ONG Change Finance.
La rédaction avec AFP

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